A quelques jours de sa visite en Algérie (du 26 novembre au 5 décembre), Mme Mary Lawlor, Rapporteuse Spéciale de l'ONU sur les défenseurs des droits de l'homme a été saisie par le Congrès Mondial Amazigh (CMA) qui lui a adressé une note d'informations relative à la grave situation des droits de l'homme dans ce pays. Selon son site-web, cette ONG internationale de protection et de promotion des droits des Amazighs dont les membres sont issus de tous les pays d'Afrique du nord a attiré l'attention de la Rapporteuse Spéciale, notamment, sur les activités des militants défenseurs des Droits Humains et l'inféodation de la justice au pouvoir militaire. « Le pouvoir exécutif est clairement et de manière très visible, exercé par l'armée, qui a créé ces dernières années des conditions qui n'ont jamais été aussi défavorables aux libertés et aux droits humains. Les activités des défenseurs des libertés et des droits de l'homme sont criminalisées. Les juges dépendent clairement du pouvoir militaire et les avocats ne peuvent exercer librement leur fonction car ils sont directement menacés de représailles. En conséquence, les lois et les procédures de justice sont violées et les procès ne sont pas équitables. » lit-on. Ce triste constat est partagé de nombreuses associations de défense des Droits Humains dans le monde. Ces violations sont devenues des pratiques courantes et le pouvoir en place ne tient nullement compte des réprobations exprimées par ces même associations. Tout récemment, le président Tebboune l'a dit clairement « allez vous plaindre là où vous voulez. Personne ne parviendra à nous faire plier. » Le deuxième point soulevé dans la note d'information concerne les nouveaux amendements du code pénal dont le durcissement tend à restreindre les libertés individuelles et associatives. « En 2021, le gouvernement a adopté des réformes du code pénal très restrictives aux libertés, qu'il justifie par le besoin de « criminaliser les actes menaçant la sécurité et la stabilité du pays. De lourdes sanctions sont prévues pour toute personne ou organisation de la société civile qui recevrait une aide financière de l'étranger (article 2) ou qui diffuserait des «fake news» (article 3). Concernant le terrorisme, l'article 87 bis retient une définition tellement large et imprécise, que toute personne usant du droit à sa liberté d'expression et de réunion pacifique est susceptible d'être poursuivie pour apologie du terrorisme. » D'ailleurs, c'est sur la base de cet article 87 bis, qu'une liste composée de journalistes, militants et acteurs des réseaux sociaux, qualifiés de terroristes a été publiée au mois de mars 2021 dans le journal officiel. Deux organisations pacifistes, le Mouvement RACHAD et le Mouvement pour l'Autodétermination de la Kabylie (MAK) que dirige le poète, écrivain et chanteur, Ferhat Mehenni, ont été épinglées au tableau des organisations terroristes. Le CMA a é, également, fait le constat des mesures coercitives et iniques prises par le pouvoir contre des associations culturelles amazighes et associations de défense des libertés. « Le 30 janvier 2023, les autorités ont ordonné la fermeture de la Maison des droits de l'homme et du citoyen à Tizi-Wezzu (Tizi-Ouzou), qui comprenait une bibliothèque et un centre de documentation et accueillait notamment des séminaires et des conférences de sensibilisation aux droits humains. Le 23 janvier 2023, les autorités ont également procédé à la fermeture administrative du Centre de documentation des droits de l'homme de la ville de Vgayet (Béjaia), en Kabylie, sur ordre du Wali (Préfet de la Province)», écrit-il dans sa note d'information à Madame Mary Lawlor. Il n'a pas manqué de soulever la détention illégale de sa présidente Kamira Naït Sid, « qui habite à Tizi-Wezzu (Tizi-Ouzou) en Kabylie, a subi des harcèlements administratifs, policiers et judiciaires depuis de nombreuses années. Elle a été arrêtée puis remise en liberté d'innombrables fois et son activité professionnelle de gérante d'un cyber-café à Tizi-Wezzu a été arbitrairement fermée sur décision administrative en 2016. . Le 21 août 2021, Kamira Nait Sid, a été enlevée, séquestrée par la police algérienne, puis jugée pour terrorisme et condamnée à 3 ans de prison. Elle est actuellement détenue à la prison de Koléa, près d'Alger. Le Groupe de Travail de l'ONU sur la détention arbitraire a rendu un avis le 1/04/2022 dans lequel il déclare que la détention de Kamira Nait Sid est arbitraire (avis no 15/2022 du Groupe de Travail sur la détention arbitraire, concernant Kamira Nait Sid (Algérie) – A/HRC/WGAD/2022/15. » Et, le CMA d'ajouter « D'autres membres du Congrès Mondial Amazigh ont été obligés par la police algérienne à démissionner et à couper tout lien avec notre organisation. Actuellement le CMA n'a plus aucun membre en Algérie. C'est une interdiction d'exercer qui ne dit pas son nom. » Il est à rappeler que plusieurs organisations de défense des Droits Humains ont saisi Mme Mary Lawlor pour lui signaler les graves violations des Droits Humains dans un pays dirigé par des hommes qui ne respectent même leurs propres lois dont la constitution tout récemment violée par la nomination d'un nouveau premier ministre, M. Larbaoui Nadir en l'occurrence, sans que son programme soit présenté au parlement pour approbation et sans appartenir à la majorité parlementaire tel qu'énoncé par la constitution amendée le 1 novembre 2020. Il y a fort à parier que les autorités d'Alger ne tiendront nullement compte des observations et encore moins des recommandations de la rapporteuse de l'ONU sur les Droits Humains ni d'une quelconque autre partie.