Malgré la scénarisation poussée à l'extrême de la récente visite du chef de l'Etat en Kabylie, la dictature militaire en Algérie a pris la mesure de la défiance populaire. Au lendemain du déplacement (10 juillet), les vidéos et les témoignages de militants ou de citoyens ordinaires sont venus perforer le mur de la censure. Le régime a tout mis en scène pour contrôler le narratif officiel, mais sans succès. Ambiance de guerre à Tizi Ouzou. Les entrées de la ville sont quadrillées par des blindés de l'armée. Un nombre incalculable de soldats en tenue de combat ont pris position au niveau des accès. Au centre-ville, de milliers de policiers en uniforme sont postés le long de l'itinéraire du convoi présidentiel et vingt-sept arrestations ont été décomptées en marge de cet déplacement. Des milliers d'autres en civil ont été massés aux abords pour saluer le cortège, en lieu et place des citoyens qui ont boycotté la visite, au moment où des citoyens ont fait circuler des images et photos de snipers en position de tir sur les toits à de nombreux emplacements. ولكن حسب صفحات فيسبوكية محلية، فقد تم تجنيد جنود الثكنات، عمال البلديات، الدوائر و الولاية و عائلات المافيات المحلية، وتم انزال امني هائل لكل الأجهزة الأمنية و العسكرية.. زيادة على اعتقال 27 شخص قبل وخلال الزيارة، لضمان نجاح الزيارة pic.twitter.com/tWqTccYEL6 — abdou idrissi (@abdouid96946334) July 11, 2024 C'est dans cette ambiance macabre que le président algérien Abdelmajid Tebboune s'est finalement rendu à Tizi Ouzou, bastion des indépendantistes kabyles. Après plusieurs reports, la visite n'a fait que confirmer les craintes des gouvernant d'Alger. Les Kabyles refusent de cautionner un régime illégitime, qui expose leur région à la répression, à la marginalisation et à l'ostracisation. Même les députés du FFS (Front des Forces Socialistes), pourtant un parti politique agissant dans la légalité, ont été exclus des cérémonies officielles, ce qui confirme la haine du régime algérien pour tout ce qui se rapporte à cette région. Au cours des trois dernières années, des dizaines de militants kabyles ont été arrêtés et jetés dans les sinistres geôles algériennes, avec trente-huit condamnations à mort. Un résident de Tizi Ouzou a raconté, dans un témoignage, que la ville a été totalement bouclée 24 heures avant l'arrivée du président. Plus personne n'entre et plus personne ne sort. Les autorités ont fermé toutes les stations-services, y compris dans les villes avoisinantes, afin d'empêcher les gens de circuler. Accompagné comme son ombre par le chef de l'armée, le général Saïd Chengriha, Abdelmadjid Tebboune a, toutefois, eu droit à son bain de foule pour sauver la face. Pour masquer le boycott du peuple kabyle, les services secrets algériens ont actionné leurs relais locaux et sommé les fonctionnaires de se prêter au jeu des acclamations. Fer de lance de la guerre de libération, la Kabylie fait face, au cours des dernières années, à une vague répressive sans précédent, d'ailleurs comme le reste du pays. Mais, cette région plus particulièrement focalise la colère et l'invective du régime, parce qu'elle a exprimé un zéro vote aux simulacres d'élection, à savoir le présidentielle de 2019. Les militants sont exposés en permanence aux perquisitions, à la torture, aux procès iniques et aux restrictions de mouvement, entre autres. La répression a redoublé d'intensité depuis la proclamation par le gouvernement en exile de l'indépendance de la Kabylie, le 20 avril 2024, devant le siège des Nations Unies à New York. Alors que le président Abdelmajid Tebboune terminait son déplacement impopulaire, des militants kabyles ont entamé une grève de la faim au commissariat de Béjaïa, où ils sont placés en détention pour ne pas perturber la visite depuis quatre jours. L'universitaire et militante Mira Moknache, l'avocat Sofiane Ouali et leurs camarades veulent la liberté pour la Kabylie.