Le Maroc et la Commission de l'Union européenne (UE) entendent «donner un nouvel élan» au partenariat existant entre le Maroc et l'UE, un partenariat qualifié de «plus important que jamais dans le contexte géopolitique actuel.» C'est ce qu'indique le haut représentant de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Josep Borrell, à l'issue d'une réunion avec le ministre marocain des affaires étrangères, le 4 avril 2024. Cet engagement prend toute sa valeur dans le contexte actuel, à l'heure où la coopération dans le secteur de la pêche, arrêtée depuis le 17 juillet 2023, est suspendue à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Le renouvellement de l'accord de pêche dépendra de l'arrêt de la Cour européenne, selon qu'elle confirmera ou annulera celui du Tribunal général de l'Union européenne (TGUE), rendu en 2021. Les enjeux sont considérables et une annulation pourrait impliquer des indemnisations de plusieurs milliards d'euros et affecter une partie de l'industrie de la pêche espagnole, notamment en Galice, en Andalousie et aux îles Canaries. * 2012 Accord d'association (8 mars 2012), entre le Maroc et l'UE. Le polisario dépose un recours en annulation. * 2014 15 juillet 2014 : après plus de deux ans d'interruption, entrée en vigueur de l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre le Maroc et l'UE. * 2015 Le 10 décembre 2015, le TGUE annule l'accord d'association du 8 mars 2012. Selon les juges : * Bruxelles aurait dû exclure le «Sahara occidental» de l'accord avec le Maroc. * Le consentement du «peuple du Sahara occidental» est requis. * Le polisario a la capacité d'ester en justice car «directement et individuellement concerné par la décision attaquée.» La Commission de l'UE fait appel de la décision (19 février 2016). * 2016 – 25 février 2016 : À la suite de l'arrêt du 10 décembre 2015 du TGUE qui a annulé partiellement l'accord agricole liant le Maroc à l'UE, le gouvernement marocain «exprime sa profonde déception à l'égard de la gestion opaque que certains services de l'UE ont fait de cette question. [...] Le Maroc ne saurait accepter d'être traité en simple objet d'une procédure judiciaire, ni d'être ballotté entre les différents services et institutions de l'UE.» Les contacts avec les services de l'UE sont rompus. – Le 21 décembre 2016, la CJUE juge que l'accord en matière d'agriculture et de pêche conclu en 2012 entre l'UE et le Maroc ne s'appliquait pas «au territoire du Sahara occidental» et qu'il n'aurait pas dû être annulé. Le polisario est débouté. La Cour estime que le mouvement de Tindouf ne représente pas le « peuple du Sahara occidental » et n'a pas la capacité d'ester. Dès lors, le polisario et ses soutiens déclenchent une guerre juridique contre le Maroc, multipliant les plaintes dans plusieurs pays. Un cargo, Cherry Blossom, chargé de phosphates est arraisonné en mai 2017 en Afrique du sud. Une plainte est déposée contre une filiale d'Air France pour l'établissement d'une liaison aérienne entre Orly et Dakhla. 2017 Le 27 février 2017, répondant à une plainte déposée par une ONG britannique, la CJUE juge que l'accord de pêche (qui devait expirer 22 mois plus tard, en juillet 2018) était valide mais non-applicable aux eaux du «Sahara occidental.» 2018 En janvier 2018, Melchior Wathelet, avocat général de la CJUE estime que l'accord de pêche signé entre le Maroc et l'UE devait être «invalidé» au motif que cet accord inclut le «Sahara occidental». (Wathelet a été amené à s'exprimer à la suite d'une demande d'avis dont la CJUE a été saisie par un tribunal britannique, lui-même saisi d'une plainte déposée par une ONG pro-polisario, Western Sahara Campaign). – 27 février 2018 : La CJUE ne suit pas l'avis de l'avocat général. Elle conclut que les accords ne sont pas contraires au droit international, car il n'a pas été prouvé qu'ils s'appliquent au «Sahara occidental». – Le 16 avril 2018, le Conseil européen autorise l'ouverture de négociations avec le Maroc en vue de la modification de l'accord de partenariat dans le secteur de la pêche. En juin, un recours en annulation contre la décision du Conseil est présenté par l'avocat du polisario. 2019 14 janvier 2019 : signature d'un accord de partenariat dans le domaine de la pêche durable et d'un protocole de mise en œuvre. Le traitement tarifaire préférentiel permis par l'accord d'association est étendu aux produits originaires des provinces du sud. 8 février 2019 : la CJUE, statuant sur le recours en annulation présenté en juin 2018 par le polisario, juge irrecevable ce recours. Le même jour, le Parlement européen donne son aval et les deux accords quadriennaux (libre-échange et pêche) sont approuvés. Valables jusqu'au 17 juillet 2023, ces accords incluent expressément le Sahara marocain dans leur champ d'application. Le polisario dépose un recours (avril 2019). 2021 Dans deux jugements du 29 septembre 2021, le TGUE prononce la nullité de la décision du Conseil européen de conclure les deux accords. Il estime que le « consentement » doit être exprimé par le polisario, «représentant unique et légitime du peuple sahraoui, avec la capacité de le représenter devant les tribunaux de l'UE.» La Commission et le Conseil font appel du jugement devant la CJUE. 2023 17 juillet 2023 : Expiration des accords. Bien qu'il ait déclarés nuls et non avenus les deux accords, agricole et pêche, le TGUE a permis de continuer à les appliquer jusqu'à leur date d'expiration, le 17 juillet 2023. L'UE déclare qu'elle ne renégocierait pas les accords tant qu'il n'y aurait pas de décision finale de la CJUE. 2024 À ce stade, on attend le jugement définitif de la CJUE. (À suivre)