Dans un entretien à «Barlamane.com», Phil Craig, co-fondateur du Groupe de défense de l'indépendance du Cap (CIAG), dénonce l'incurie et l'impéritie de l'ANC, le parti qui dirige l'Afrique du Sud depuis la fin de l'apartheid, au moment où plusieurs de ses dirigeants sont empêtrés dans des affaires de corruption, dans un contexte de marasme économique et de chômage qui dépasse les 30 %. Phil Craig, revient, dans un entretien accordé à Barlamane.com sur la situation du pays sous le Congrès national africain (ANC, au pouvoir). M. Craig, fervent partisan de l'autodétermination du Cap-Occidental, province située dans le sud-ouest du pays, considérée parmi les plus vastes et les plus peuplées du pays, compte sur la dynamique de son mouvement pour imposer une nouvelle réalité. Aux prochaines élections en Afrique du Sud, qui devraient en principe se tenir entre mai et août 2024, l'ANC pourrait pour la première fois perdre sa majorité parlementaire et donc la présidence du pays. La prochaine session inaugurale de la nouvelle Assemblée nationale pourrait reconfigurer en profondeur le paysage politique sud-africain morcelé. Comment décrivez-vous la situation actuelle de l'Afrique du Sud ? L'Afrique du Sud est sur le point de devenir un Etat en faillite. Trente ans de corruption, de mauvaise gestion et de mauvais choix politiques ont abouti à l'un des taux de chômage les plus élevés au monde, à l'un des taux de meurtre les plus élevés au monde et à une situation où il y a des pannes d'électricité constantes. En outre, notre politique devient de plus en plus extrême et dangereuse, avec des partis comme les Combattants pour la liberté économique (EFF) qui chantent régulièrement le massacre des groupes minoritaires. Il est très probable qu'ils entrent au gouvernement après les élections, ce qui ne fera qu'aggraver notre situation actuelle et pourrait nous mettre sur la voie de la guerre civile. Vous êtes le co-fondateur du Groupe de défense de l'indépendance du Cap (CIAG), pourquoi pensez-vous que l'indépendance pourrait être bénéfique pour le Cap-Occidental ? Le Cap-Occidental est fondamentalement différent du reste de l'Afrique du Sud. Il est différent sur le plan ethnique. Culturellement, il est différent. Mais surtout, il est idéologiquement différent et c'est ce qui motive l'indépendance du Cap. Depuis 1994, l'ANC a toujours remporté les élections au niveau national, mais il n'a jamais dépassé 50 % des voix dans la province du Cap-Occidental. Les électeurs du Cap-Occidental sont beaucoup plus libéraux, non raciaux et orientés vers le marché. Si nous sommes libres de faire nos propres choix, nous pourrons nous mettre sur la voie d'un pays du premier monde, plutôt que sur celle d'un Etat en déliquescence. Déjà, grâce à notre gouvernement provincial du Cap-Occidental nous avons fini par avoir le taux de chômage le plus bas d'Afrique du Sud, ainsi que le niveau de corruption le plus bas. Comment votre parti envisage-t-il de participer aux prochaines élections ? Y a-t-il une possibilité de voir l'ANC subir une défaite politique en mai ? Notre parti (le Parti du référendum, RP) se joindra à l'Alliance démocratique [Demokratiese Alliansie, DA, principale opposition, centriste et libérale] et présentera des candidats au Parlement provincial du Cap-Occidental et au Parlement sud-africain. Notre objectif est d'obtenir suffisamment de voix dans la province du Cap-Occidental pour former une coalition homogène au sein du gouvernement provincial. En ce qui concerne l'ANC, il est très probable qu'il perdrait sa majorité, mais resterait au pouvoir grâce à un accord de coalition. Il existe un certain nombre de partenaires potentiels pour l'ANC, les plus importants étant les Combattants pour la liberté économique (Economic Freedom Fighters, EFF, extrême gauche), parti de Julius Sello Malema, mais aussi le Umkhonto we Sizwe, encore proche de l'ancien président Jacob Zuma. Si l'ANC entre en coalition avec l'un ou l'autre de ces partis, il est fort possible que la politique du gouvernement devienne beaucoup plus extrême. Dans ce cas, le soutien à l'indépendance du Cap devrait être encore plus important, car pour de nombreux électeurs du Cap-Occidental, il s'agit du pire des scénarios. Quel rôle le président Ramaphosa a joué dans l'état actuel du pays ? Le président Ramaphosa est un président faible qui n'a pas pu ou n'a pas voulu apporter les changements nécessaires pour améliorer les choses dans la province du Cap-Occidental et en Afrique du Sud. Il y avait beaucoup d'espoir et d'optimisme lorsqu'il a accédé à la présidence en 2018, mais depuis lors, tout a été perdu – en particulier lorsqu'il a été impliqué dans un scandale de corruption en 2022. Le président Ramaphosa est impliqué dans l'ANC depuis des décennies et a été vice-président de l'ancien président Jacob Zuma. L'Afrique du Sud ne peut pas résoudre ses problèmes avec les mêmes personnes aux commandes. Dans la province du Cap-Occidental, nous n'avons pas été en mesure de changer le gouvernement national au cours des 30 dernières années, et la seule façon de résoudre nos problèmes est donc l'indépendance. L'Afrique du Sud est confrontée à des difficultés majeures, mais le gouvernement en place semble se concentrer plus sur les questions étrangères que sur ses questions internes. Qu'en pensez-vous ? L'ANC n'est pas en mesure de présenter des exemples de réussite en matière de politique intérieure au cours des dernières années, alors il utilise la politique étrangère pour essayer de paraître agissant sur la scène internationale. Je pense qu'il est tout à fait hypocrite de la part de l'ANC de parcourir le monde, de donner des leçons aux pays sur les droits de l'homme et sur la manière avec laquelle ils devraient se comporter, alors qu'il a trahi son propre peuple. L'ANC n'a aucune légitimité morale pour agir de la sorte.