La première séance de débat général sur le Projet de loi de finances 2024 (PLF), jeudi à la Chambre des représentants, a été marquée par des divergences de positions et d'interprétations, les groupes de la majorité affirmant qu'il 2024 inaugure la mise en œuvre effective de l'Etat social, tandis que les députés de l'opposition ont critiqué l' »inexactitude » et le « manque de réalisme » de ses indicateurs. Durant cette séance au niveau de la Commission des Finances et du développement économique, tenue en présence de la ministre de l'Economie et des Finances, Nadia Fettah, et du ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lekjaa, les interventions des différents groupes parlementaires ont focalisé sur une série de mesures contenues dans le PLF 2024 et leurs retombées socioéconomiques. Le président du groupe du Rassemblement national des indépendants à la Chambre des représentants, Mohamed Ghayat, a indiqué que le PLF n'est pas un projet ordinaire et ne constitue pas un ensemble de mesures financières et de gestion de routine, mais l'expression d'une « grande volonté politique dans l'histoire de cette nation, car il applique à la lettre les Hautes orientations de Sa Majesté le Roi qui placent la famille au centre de toutes les politique publiques ». Il a souligné que les grands choix sociaux édictés dans le PLF annoncent en filigrane que tous les Marocains ont désormais le même droit de vivre dignement dans leur pays, que ce soit les droits à la santé, à un logement décent, au travail et à la dignité. Dans une allocution au nom du groupe de l'Authenticité et de la modernité, le député Adib Benbrahim, a relevé que le PLF adhère au processus des réformes économiques, sociales et financières, soulignant qu'il donne la priorité absolue à la mise en œuvre du programme Royal de reconstruction et de mise à niveau générale des régions sinistrées par le séisme d'Al Haouz, que ce soit au niveau du début de la distribution de l'aide financière au profit des familles, ou le soutien pour la reconstruction des logements effondrés ou partiellement endommagés, ou encore les mesures urgentes visant la mise à niveau des secteurs endommagés comme l'éducation, la santé, l'équipement et l'agriculture. Il a salué les multiples mesures fiscales et douanières contenues dans le PLF 2024, notant qu'elles interviennent dans le cadre de la poursuite de la mise en œuvre de la loi-cadre de la réforme fiscale, en donnant la priorité à la réforme de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Le président du groupe Istiqlalien de l'unité et de l'égalitarisme, Nouredine Mediane, a, pour sa part, souligné que le PLF représente un « moment historique décisif et sans précédent sur la voie de la consolidation de l'Etat social, tel que voulu par Sa Majesté le Roi », estimant que les mesures que contient le PLF sont « exceptionnelles et courageuses » et permettront de passer de l'étape du diagnostic et de la définition des priorités à l'étape de l'audace, de l'exécution et de la réalisation des engagements. Il a relevé que le PLF propose des mesures au niveau de la consolidation de la base du travail et la poursuite du programme « Awrach » et des différents autres chantiers et programmes comme Forsa et Intilaka. Le président du groupe constitutionnel démocratique et social, Belassal Chaoui, a, quant à lui, estimé que le PLF 2024 exprime clairement l'engagement du gouvernement à réaliser un ensemble d'objectifs complémentaires, visant à se conformer à la volonté Royale d'une part, et à répondre aux priorités actuelles d'autre part, comme la mise en œuvre du programme de reconstruction et de mise à niveau générale des régions sinistrées par le séisme, la poursuite de l'instauration de l'Etat social et de la mise en œuvre des réformes structurelles, outre le renforcement de la soutenabilité et de l'équilibre des finances publiques. Il a souligné, dans ce sens, que selon les objectifs du PLF 2024, ce dernier constitue une loi à caractère social et réformiste par excellence, exprimant toutefois des réserves quant à « la pérennité des hypothèses sur lesquelles le projet a été basé et à la capacité de contrôler cette pérennité ». En revanche, le président du groupe socialiste-opposition ittihadie, Abderrahim Chahid, a estimé que les hypothèses du PLF 2024 en matière des taux de croissance, de déficit budgétaire et d'inflation et de la moyenne du prix du gaz butane « ne sont pas réalistes » et « arrangent uniquement le gouvernement dans son objectif de présenter une loi de finance équilibrée », mais « ne reflètent pas la réalité économique et sociale du Royaume ». Il a relevé que le PLF 2024 est une loi de finance ordinaire pour une conjoncture extraordinaire, dominé par la dimension technique plutôt que par l'esprit politique, ajoutant que le projet confirme le rythme lent avec lequel le gouvernement gère les questions stratégiques et que ses dispositions manquent de l'audace et de la profondeur requises pour la mise en oeuvre des réformes structurantes dont le Maroc a besoin. Pour sa part, le président du groupe haraki, Driss Sentissi, a jugé difficilement réalisable le fait de limiter le déficit budgétaire à 4% en 2024, en raison des disparités entre les dépenses et les recettes, estimant que les indicateurs que le PLF comporte interpellent sur leur crédibilité au vu de la conjoncture internationale difficile et incertaine sur fond de poursuite des pressions inflationnistes et des tensions géostratégiques. M. Sentissi s'est interrogé sur la manière et les mécanismes que le gouvernement compte adopter pour ramener le taux d'inflation élevé au seuil de 2,5% en 2024, surtout avec la réduction des crédits de la Caisse de compensation à 16,4 milliards de DH, l'augmentation du prix de la bonbonne de gaz butane de 12 kg à compter d'avril 2024 et chaque année jusqu'à 2026, sans oublier les prix des carburants qui ont repris leur tendance haussière. De son côté, le président du groupe du Progrès et du Socialisme, Rachid Hamouni, a affirmé que le PLF n'est pas un document comptable, ni de simples chiffres neutres, mais l'expression de choix politiques et d'une feuille de route censée refléter l'approche du gouvernement en matière des grandes réformes susceptibles de mettre le Maroc dans le peloton de tête des pays émergents. Selon lui, les mesures fiscales relatives à la TVA apportées par le PLF 2024 traduisent une contradiction entre la déclaration du gouvernement en matière de consolidation des fondements de l'Etat social et son recours à l'augmentation de la TVA sur l'eau, l'électricité et l'assainissement liquide.