A quelques semaines de la rentrée politique, tout porte à croire que les Marocains attendent un souffle nouveau qui limiterait l'impact de la flambée des prix continue sur leur bourses. Une flambée, qu'ils savent due à des problèmes structurels dont ceux de spéculation dans les circuits de distribution, les prix des produits énergétiques et non énergétiques à l'international ayant baissé. Les promesses d'être un état social du gouvernement Akhannouch qui a été le "mieux" élu depuis 2002 se sont limitées à la mise en oeuvre des grands chantiers royaux sans autres mesures propres pourtant contenues dans les programmes préélectoraux des partis qui le composent, notamment du RNI (taux de participation aux elections législatives depuis 2002 de 51,6%. 2007 : 37%. 2012 : 45,40 %. 2016 : 42,29%,. 2021 : 50,18 %). Les remaniements ont ponctué, sans grands résultats, l'action gouvernementale depuis le milieu des années 2000, période marquée par une nouvelle Constitution élargissant les prérogatives du gouvernement. Quels sont les mécanismes bloquants ? Qu'est-ce que cela dit de l'action politique au Maroc, de la structure des partis politiques, de l'opposition aujourd'hui ? Si ce souffle tant attendu n'est pas un remaniement, quel serait -il ? l'installation de secrétariats d'Etat malgré la contrainte budgétaire ? Le tour de ces questions en trois points avec M. Réda Nour, Professeur de Droit à la FSJES de Fès et Président fondateur du Centre marocain des études africaines et du développement durable : En quoi l'impact de tout remaniement gouvernemental est-il limité au Maroc ? Il est important de noter que, dans la quasi-totalité des régimes politiques à l'échelle mondiale, un remaniement gouvernemental n'implique pas forcément un changement fondamental dans la stratégie gouvernementale. Il sert souvent de geste symbolique pour répondre aux espoirs des citoyens et de quelques parties prenantes. Son impact est généralement limité par les contraintes budgétaires et législatives préconçues, ce qui signifie que les politiques et les priorités définies antérieurement restent souvent et largement en vigueur. Le gouvernement marocain ne ferait pas exception à cette tendance. Ainsi, un remaniement pourrait être perçu comme une restructuration de l'équipe gouvernementale, mais n'entrainerait pas, fatalement, une transmutation des stratégies gouvernementales. Les grandes orientations et les objectifs généraux du gouvernement demeurent, généralement, inchangés. Dans cet esprit, la sagesse de Honoré de Balzac résonne encore de manière remarquable : « La France est un pays qui adore changer de gouvernement à condition que ce soit toujours le même ». Une citation, bien que théorisée dans des circonstances différentes, demeure tout à fait pertinente au Maroc. Elle démontre la continuité dans la vision et des priorités gouvernementales, même quand les visages au pouvoir changent. Sans perdre de vue que, dans plusieurs cas, il s'avère laborieux de trouver suffisamment de personnes compétentes et qualifiées pour occuper les postes ministériels de manière efficace. Un « manque de Stock ». En outre, l'impact sur les citoyens marocains (surtout les classes pauvre et moyenne) de l'inflation mondiale, de la hausse des prix, ainsi que les défis liés à la spéculation dans les circuits de distribution, sont des problèmes structurels qui ne peuvent être résolus par un simple remaniement ministériel. Ils exigent des réformes économiques courageuses, concrètes et plus profondes allant au-delà du simple remaniement. Donc, bien que les remaniements gouvernementaux puissent créer l'illusion d'un changement, ils ont souvent tendance à maintenir le statuquo. Politiquement, la nomination de secrétaires d'Etat est-elle une solution pour la consolidation de l'action gouvernementale et la mise en place de stratégies prospectives ? L'impact de la nomination de secrétaires d'Etat au Maroc est limité pour plusieurs raisons. Premièrement, l'Histoire politique récente nous a démontré que ce processus a souvent été utilisé pour désamorcer les tensions politiques plutôt que pour apporter des changements significatifs. Et comme précédemment mentionné, lorsque les politiques et les priorités sont précédemment établies, elles demeurent généralement intactes. Du coup, toute restructuration ministérielle se trouve restreinte en conséquence. Devrions-nous réitérer, une fois de plus, l'épisode du gouvernement de Saad Eddin El Othmani où des secrétaires d'Etat et de hauts fonctionnaires ont été nommé sans attributions claires, juste pour satisfaire certains partis de la coalition ? Sachant que la création de nouveaux secrétariats d'Etat exige des ressources financières, une considération cruciale dans un contexte de contraintes budgétaires. Il est donc essentiel d'évaluer attentivement le rapport coût-bénéfice de ces nominations pour garantir que les investissements sont justifiés. En outre, dans le cas de l'Administration Akhannouch, bien que la nomination de nouveaux secrétaires d'Etat ait été annoncée depuis plusieurs mois, elle a été mystérieusement retardée, suscitant des interrogations sur la gestion et la concordance au sein du pouvoir exécutif. Il est primordial de rappeler que lors de tout remaniement, le Chef du gouvernement est contraint de négocier avec les leaders de la coalition, qui tentent, par tous les moyens, de conserver autant que possible leurs portefeuilles, indépendamment des capacités de leurs candidats. Une situation qui limite l'efficacité de tout remaniement en termes de performance et d'application homogène des politiques publiques. Et c'est peut-être la raison pour laquelle, malgré la vision à long terme pour la modernisation du pays et les initiatives majeures du Roi dans le cadre des grands chantiers de développement, le gouvernement, en tant qu'organe exécutif, a éprouvé de multiples difficultés pour suivre la cadence de ces actions royales. Donc, pour réussir son pari, le gouvernement Akhannouch est obligé d'opérer de véritables changements politiques et économiques, plus profonds, et une gestion proactive des problèmes structurels. Les remaniements ministériels ont souvent été une réponse aux problèmes existants plutôt qu'une anticipation proactive. Que cela induit-il pour l'action politique et la structure des partis politiques au Maroc ? Les tendances de remaniements ministériels réactifs plutôt que planifiés et proactifs dévoilent un certain déficit de compétence, une gestion fragmentée de la crise, une « gestion au jour le jour » et un manque de perspective à long terme. Le gouvernement actuel tente, tant bien que mal, de résoudre quelques problèmes superficiels plutôt que d'anticiper les véritables défis auxquels le Maroc du 21ème siècle est confronté. Une approche qui ne peut que compromettre davantage la stabilité gouvernementale et la cohérence dans la mise en œuvre des politiques nationales. D'autant plus que du côté de l'opposition, il n'existe pas de véritables alternatives, de véritables programmes. L'opposition actuelle semble moins visible et moins influente dans le paysage politique. Conséquence, la population marocaine, désillusionnée par les expériences précédentes avec le PJD, se retrouve ainsi avec des options très limitées, avec une confiance amoindrie dans les pouvoirs législatifs et exécutif. Dans ce contexte, le Roi reste la seule source de stabilité et de confiance. Aujourd'hui, et face aux urgences imposées par cette période de crise qui touche le Maroc, l'Afrique et le monde entier, il devient impératif de mettre en œuvre des mécanismes de contrôle et d'évaluation plus solides des différents départements ministériels. Ces mécanismes peuvent contribuer à la réalisation des objectifs fixés à long terme, tout en offrant une assise pour l'ajustement continu des politiques et des priorités gouvernementales.