Le président tunisien, qui accapare tous les pouvoirs depuis l'été 2021, a décidé jeudi 9 mars la dissolution prochaine des conseils municipaux, formés en 2018 et considérés comme un acquis important de la jeune démocratie tunisienne après la Révolution de 2011. Kaïs Saïed, dans une vidéo diffusée en pleine nuit, a annoncé l'examen à venir d'une loi sur «la dissolution de tous les conseils communaux et leur remplacement par des délégations spéciales». Les mandats des 350 maires et conseillers municipaux, actuellement en place, doivent expirer fin avril, et des élections étaient théoriquement prévues dans la foulée. Deux projets de loi Ces conseils municipaux sont issus pour la majorité du scrutin législatif de 2018 qui avait été marqué par la victoire de listes indépendantes, suivies du parti d'inspiration islamiste Ennahdha, la bête noire de Kaïs Saïed, et du parti libéral Nida Tounes. De nombreux conseils municipaux avaient ensuite plongé dans d'importants conflits internes, ce qui avait abouti à de nouveaux scrutins ces cinq dernières années. Kaïs Saïed a annoncé deux projets de loi concernant ces conseils : l'un «concernant la révision de la loi sur l'élection des conseils communaux» et l'autre «concernant la loi pour l'élection des membres» de la future Assemblée des régions. Ce dernier dispositif complètera le système bicaméral qu'il veut instaurer, sur la base d'une nouvelle Constitution votée par référendum à l'été 2022. Le Parlement, dont les prérogatives sont très diminuées, sera constitué de deux chambres : l'Assemblée des représentants du peuple et l'Assemblée des régions. «Ils veulent jouer les victimes» Kaïs Saïed s'est octroyé tous les pouvoirs le 25 juillet 2021, en limogeant son premier ministre et gelant le Parlement, dissous par la suite, faisant ainsi vaciller la démocratie ayant émergé de la première révolte du Printemps arabe. Organisées en décembre et janvier, les élections législatives pour désigner les députés ont été marquées aux deux tours par une très forte abstention (près de 90% des votants) et qualifiées par l'opposition comme «illégitimes». «Nous continuerons à marcher tous ensemble vers la victoire», a clamé Kaïs Saïed dans sa vidéo, avant de s'en prendre à ses opposants politiques. «Aujourd'hui, ils manifestent librement et prétendent qu'il y a de la tyrannie alors qu'ils défilent sous la protection de la police.» «Ils veulent jouer les victimes», a-t-il ajouté. Abrogée par Kaïs Saïed, la Constitution de 2014 avait consacré le principe de la décentralisation de l'Etat, considéré comme un acquis très important par la société civile et les multiples partis politiques nés après la chute du dictateur Zine el-Abidine Ben Ali il y a 12 ans.