L'Algérie semble avoir raté les chances d'un nouveau redémarrage et manqué ses RDV avec l'histoire, pour enterrer l'héritage encombrant du dictateur Boumediene, qui est responsable de tous les choix politiques et idéologiques qui ont conduit l'Algérie à la situation qui est aujourd'hui la sienne et que se refusent d'admettre les dirigeants et les intellectuels algériens. L'héritage idéologique a fini par un endoctrinement dangereux et néfaste du peuple algérien au point où certaines élites qui ont largement profité du système de privilèges accordés à la NomenKlatura, dont Ahmed Ouyahia qui, payant aujourd'hui le prix de sa fidélité à la junte, disait que s'il devait adorer autre que Dieu, il l'aurait fait pour Boumediene. Soixante ans après l'indépendance, l'Algérie officielle continue de clamer son «adoration» à celui qui avait mis en place un parti unique, une pensée unique, qui a liquidé physiquement ses opposants en Algérie et à l'étranger, instauré une gestion pseudo socialiste, qui s'est traduite sur le terrain par l'abandon de la valeur du travail. Des unités industrielles qui n'établissaient jamais de bilans «pertes et profits» et qui payaient leurs salaires aux « salariés-fonctionnaires», même si les unités étaient déficitaires, voire à l'arrêt. Il fallait être Moujahid ou enfants de Moujahid ou encore membre influent du FLN ou être copté par le parti pour pouvoir bénéficier de certains privilèges, notamment des voitures, des logements, des misions à l'étranger ou encore des équipements électroménagers (réfrigérateurs), produits par une société nationale, mais distribués suivant un carnet de commandes validé en haut lieu. Durant l'été 1989, soit au lendemain des émeutes sanglantes d'octobre, qui avaient fait plusieurs centaines de morts, aux slogans s'est substituée une dure réalité. Il fallait acheter le pain avant dix heures du matin. Le beurre manquait dans les étals, au point de fournir de l'inspiration à un chanteur algérien, qui clamait que «le beurre, on n'en trouvait plus, depuis longtemps». Les cigarettes américaines étaient introduites en Algérie, via la contrebande depuis le sud du pays. Les quelques free shop, encore ouverts à Alger, et qui vendaient les marques étrangères de cigarettes ou certains produits étrangers comme le chocolat, le beurre, se vidaient immédiatement après les arrivages, pour prendre le chemin de la contrebande. Pour certains autres produits, il fallait se les procurer à Oujda, comme les boissons gazeuses américaines, les jus etc...en plus des pièces détachées des voitures, introuvables en Algérie. J'en avais acheté pour des amis algériens depuis Oujda. Nous observions également des Algériens, rentrant de France, ramenant dans leurs bras des pneus pour leurs «carroussas » (voitures). les canettes des boissons gazeuses américaines, introduites depuis l'étranger, étaient accrochées chez des épiciers algériens, dans la capitale, à des chaines métalliques, ce qui avait provoqué des éclats de rire d'un ami marocain, qui me rendait visite à Alger. Les prix des fruits étaient inabordables pour de larges couches de la population. Evidemment, les pénuries des produits de première nécessité étaient fréquentes : huile, lait en poudre, sucre. Des amis épiciers algériens nous en fournissaient, y compris en période de pénurie. Cela serait-il suffisant pour brosser un tableau des dégâts du socialisme à l'algérienne, pratiqué par Boumediene et consorts. Ne parlons pas de l'hôtel El Aurassi ou Al Djazair , les seuls grands hôtels d'Alger à l'époque où le serveur ne viendrait jamais vers vous pour prendre la commande si vous l'appelez « Garçon ». C'est indigne de lui. Des pénuries qui frappent y compris les stations d'essence, où vous avez à faire, également, à des fonctionnaires et un distributeur unique sur l'ensemble du territoire. C'est l'état des lieux, durant l'été 1989. Hormis ces deux grands hôtels, aucun autre hôtel, j'en avais visité une dizaine, dans la capitale, ne disposait de l'eau au robinet. C'est l'état des lieux du régime «socialiste et populaire», construit par Boumediene et dont continuent de se plaire la plupart des Algériens. Trente ans plus tard, les Algériens continuent de se bousculer, par endroits, pour se procurer leurs rations de lait, de lentilles, de farine, d'huile, de pommes de terre....on déplore même un mort, dans des rixes provoquées par la distribution du lait, à cinq heures du matin à Relizane (ouest). Aujourd'hui, les généraux, après les performances du Maroc en football mondial, ont les yeux rivés sur ce sport populaire, et devraient à priori, au lieu de songer à la résorption des problèmes vitaux des citoyens (lait, viande, semoule, huile, lentilles etc...) injecter des milliards de dollars pour la construction de gigantesques stades. Une priorité absolue ! Naturellement, en voyant le Qatar, un pays gazier comme l'Algérie, les Algériens ne devraient pas avoir sommeil facilement. Leur pays a, lui aussi, opéré des investissements faramineux (1000 milliards de dollars en 20 ans, les quatre mandats de Bouteflika), mais dans le financement du terrorisme, du séparatisme, de la discorde et de la division du Maghreb et du monde arabe, et d'un «socialisme» spécifique à ce pays, qui n'a pas pareil dans le monde. Un socialisme qui ne fait pas de la nourriture du peuple sa priorité. Le pays est tombé en faillite en 1989 sur tous les plans. Restaient naturellement les slogans creux : «pays progressiste, Mecque des révolutionnaires, Par le peuple et Pour le peuple, république démocratique et populaire». Or, le peuple, on l'a vu lors du Hirak, durant deux ans. *journaliste et écrivain