Confrontée à une inflation galopante (+8,2%) et d'importantes pénuries alimentaires et énergétiques, la Tunisie goûte aux affres du rationnement de produit de première nécessité. "Ça fait un moment que ça dure, et c'est vraiment inquiétant". Cela fait plusieurs mois que lorsqu'elle va faire ses courses à Tunis, Emna El Hammi, 41 ans, ne trouve pas ce qu'elle souhaite. Depuis la guerre en Ukraine, la Tunisie est confrontée à une inflation galopante (+8,2% en juillet 2022 selon l'Institut national de la statistique tunisienne) ainsi qu'à d'importantes pénuries alimentaires et énergétiques, qui contraignent certaines enseignes à rationner les marchandises telles que l'huile, le beurre ou encore le sucre, constate un reportage de BFMTV.com "Dans les rayons des supermarchés ou des épiceries tunisiennes, il n'y a pas grand-chose ou parfois même rien à certains rayons pendant des semaines... Ils réapprovisionnent très peu", raconte à BFMTV.com la quadragénaire, qui travaille dans une entreprise de conseil de la capitale. "Cela fait plus de 6 mois qu'il y a une pénurie de farine, donc c'est compliqué de trouver du pain dans les boulangeries. Il y a aussi une pénurie d'eau, de farine, de sucre, de lait...", énumère cette habitante de Tunis.
Une très mauvaise gestion
Le président tunisien Kaïs Saied a annoncé en mars dernier une série de mesures afin que les marchandises subventionnées soient réservées en priorité à la population. Il a dit vouloir "mener une guerre acharnée" contre les spéculateurs qui veulent "porter atteinte à la paix sociale et la sûreté" du pays. Or, "il n'y a pas assez de contrôles donc les marchandises subventionnées sont accaparées par les professionnels et ils se voient obligés de faire des réquisitions", déplore la jeune femme, lassée par la situation qui étrangle financièrement la population. Emna El Hammi est particulièrement inquiète. "Ça fait deux mois qu'on est entrés dans une ère de rationnement des produits de base, que nous avons normalement en grande quantité. Dans certains magasins, on a plus le droit de prendre plus d'un pack d'eau, pas plus d'un paquet de sucre ou de pâtes. Même le café ou les boissons gazeuses...
Un délire de complot
"Certains, comme mon épicier du coin, vendent maintenant sous le manteau. La dernière fois, il m'a dit qu'il pouvait passer quelques coups de fil pour m'avoir un peu de sucre ou de farine parce que je suis une habituée... Ajoutez à cela les coupures d'eau et d'électricité fréquentes..." Le pire, c'est que ça s'installe et que c'est nié par le gouvernement et le chef d'Etat qui disent que c'est orchestré, ils sont dans un délire de complot". Les professionnels du secteur du café tirent la sonnette d'alarme et prédisent même une rupture totale du café dans le pays dans les jours à venir, ce qui pourrait représenter une menace pour 120.000 salariés, comme l'explique le journal La Presse de Tunisie. La pénurie de sucre a même contraint l'usine Coca-Cola à fermer ses portes provisoirement, mettant 6000 employés au chômage technique. Vendredi dernier, un rassemblement était organisé devant le siège du gouvernorat de Ben Arous pour protester contre la baisse de la production et la suspension d'un certain nombre d'employés. Outre la crise politique à laquelle elle est confrontée, la Tunisie est surendettée et en proie à de graves difficultés économiques. L'invasion de l'Ukraine par la Russie a fortement accru les difficultés du pays, très dépendant de l'étranger pour son alimentation, notamment pour le blé, dont elle importe la moitié de ses besoins, essentiellement en provenance d'Ukraine. En juin dernier, la Banque mondiale a annoncé l'octroi d'un prêt de 130 millions de dollars à la Tunisie pour l'aider à faire face à l'impact de la guerre en Ukraine.
Lassad Karim aimait son travail et avait passé 12 ans dans la même entreprise, jusqu'à ce qu'il dise avoir été confronté au racisme de la part d'un nouveau manager. "Nous étions en train de discuter quand, tout à coup, elle m'a insulté", raconte-t-il à la BBC. Karim accuse la manager d'avoir utilisé un terme couramment utilisé pour rabaisser les personnes noires en tant que domestiques : "ce n'est pas un mot acceptable, c'est blessant". "J'étais sous le choc. Pourquoi ? De quoi suis-je coupable ? Qu'est-ce que j'ai fait ? J'étais brisé". Cela a ébranlé son estime de soi, encore aujourd'hui. "J'aimais sortir et me promener. Maintenant, j'ai perdu la volonté d'aller n'importe où au-delà de ma porte d'entrée", confie-t-il à la BBC. Une nouvelle législation, appelée Loi 50, a été introduite en 2018, faisant de la Tunisie le premier pays de la région arabe à interdire la discrimination spécifiquement fondée sur la race. C'était l'aboutissement d'années de campagnes menées par des militants qui se sont sentis renforcés par les manifestations pour la démocratie de 2011, qui ont vu le renversement du président de longue date Zine El-Abidine Ben Ali.