Le président russe Vladimir Poutine a ordonné mercredi la mobilisation de 300.000 réservistes pour donner un nouvel élan à son offensive en Ukraine, se disant prêt à utiliser « tous les moyens » de son vaste arsenal contre l'Occident. « Ce n'est pas du bluff », a martelé M. Poutine, accusant les pays occidentaux de vouloir « détruire » la Russie, d'avoir recours au « chantage nucléaire » contre elle et signifiant ainsi qu'il était prêt à utiliser l'arme atomique. La mobilisation partielle, annoncée lors d'une rare adresse à la nation et effective dès mercredi, représente une escalade majeure dans ce conflit où les forces de Moscou ont essuyé plusieurs revers ces dernières semaines. Elle arrive au lendemain de l'annonce de « référendums » d'annexion par la Russie dans quatre régions de l'est et du sud de l'Ukraine en fin de semaine, une initiative fermement condamnée par les Américains et les Européens. Plusieurs responsables occidentaux ont vu dans la mobilisation partielle annoncée mercredi un aveu de « faiblesse » de M. Poutine, au moment où ses forces reculent face à des contre-offensives ukrainiennes. Cette mobilisation concerne « des citoyens en réserve, ceux qui ont déjà servi » et est « nécessaire », a déclaré M. Poutine dans une allocution télévisée pré-enregistrée diffusée mercredi matin. « Nous ne parlons que de mobilisation partielle », a-t-il insisté, pour rassurer une population redoutant une mobilisation générale. Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a précisé que 300.000 réservistes étaient concernés par cet ordre de mobilisation, soit à peine « 1,1% des ressources mobilisables ». Reste à voir comment l'armée russe pourra accueillir, entraîner et équiper ces centaines de milliers de personnes, alors que son offensive en Ukraine a révélé de graves difficultés logistiques. L'opposant emprisonné du Kremlin Alexeï Navalny a critiqué cette mesure, estimant qu'elle mènerait à « une énorme tragédie et une énorme quantité de morts ». – « Aveu d'échec » ? – Le ministre britannique de la Défense Ben Wallace a estimé que la mobilisation partielle constituait un « aveu d'échec » illustrant que l'Ukraine « est en train de gagner ». C'est « un signe de faiblesse », a abondé l'ambassadrice américaine à Kiev Bridget Brink. Une mesure « grave et mauvaise », pour Berlin. Cette mobilisation pourrait annoncer un redoublement des violences pour des populations ukrainiennes déjà fortement éprouvées par sept mois de conflit. A Kharkiv (nord-est), deuxième ville d'Ukraine proche de la frontière russe, Svetlana, 63 ans, exhorte les Russes à ignorer l'ordre de mobilisation et à « enfin se réveiller », pendant qu'autour d'elle des habitants déblaient les débris d'un immeuble touché dans la nuit par un missile. Galina, une voisine âgée de 50 ans, s'emporte contre les Russes qui disent vouloir la « libérer ». « Vous voulez nous libérer de quoi ? De nos maisons ? De nos proches ? De nos amis ? », lance-t-elle. C'est justement l'évolution récente de situation dans la région de Kharkiv qui semble avoir poussé M. Poutine à décréter une mobilisation partielle, une mesure qui avait jusque-là été écartée par le Kremlin qui s'efforce de maintenir un semblant de normalité en Russie malgré le conflit. L'armée russe a en effet essuyé des revers face à des contre-offensives ukrainiennes à Kharkiv (nord-est), où les forces de Moscou ont été contraintes de céder beaucoup de terrain, ainsi que dans la région de Kherson (sud). M. Choïgou a déclaré mercredi que l'armée russe avait perdu 5.937 soldats depuis le début de l'offensive, un bilan officiel très en deçà des estimations ukrainiennes et occidentales qui font état de dizaines de milliers de pertes. – « Pas du bluff » – Sur le terrain, les combats et les bombardements se poursuivaient mercredi, les autorités ukrainiennes accusant la Russie d'avoir à nouveau bombardé le site de la centrale de Zaporijjia (sud de l'Ukraine), la plus grande d'Europe. L'allocution de M. Poutine mercredi marque aussi une escalade dans la rhétorique contre les nations occidentales, qu'il a accusées de vouloir « détruire notre pays ». « Un chantage nucléaire est aussi utilisé (…) J'aimerais rappeler à ceux qui font ce genre de déclarations que notre pays aussi possède divers moyens de destruction », a déclaré le président russe. « Nous utiliserons certainement tous les moyens à notre disposition pour protéger la Russie et notre peuple », a-t-il poursuivi. « Je dis bien tous les moyens (…) Ce n'est pas du bluff », a-t-il insisté. Son ministre de la Défense, M. Choïgou, a lui carrément affirmé que la Russie ne combattait « pas tant l'Ukraine que l'Occident ». Avant même la mobilisation partielle, l'annonce mardi de « référendums » d'annexion dans les régions contrôlées par Moscou en Ukraine, du 23 au 27 septembre, avait signalé un durcissement du conflit. D'autant que la doctrine militaire russe prévoit la possibilité de recourir à des frappes nucléaires si des territoires considérés comme russes par Moscou sont attaqués. Ces scrutins se dérouleront dans les régions Donetsk et de Lougansk, qui forment le Donbass (est), ainsi que dans les zones occupées de Kherson et de Zaporijjia, dans le sud. Ces votes ont aussitôt été critiqués par Kiev, qui les a qualifiés de « pseudo-référendums », et par ses alliés occidentaux.