Le conflit armé entre la Russie et l'Ukraine marque ce mardi 9 août son 166è jour. Alors que la situation humanitaire va se dégradant, les combats se poursuivent suscitant l'inquiétude de la communauté internationale. Lundi, Moscou a accusé les forces ukrainiennes de bombarder la plus grande centrale nucléaire d'Europe, celle de Zaporijjia en Ukraine, occupée par l'armée russe, tandis que le président ukrainien Volodymyr Zelensky a brandi le spectre de la catastrophe de Tchernobyl. Dans ce contexte, la Russie a suspendu les inspections américaines de ses bases de missiles, prévues par le traité de désarmement nucléaire New Start signé avec les Etats-Unis en 2010. Dans le même temps, les rotations régulières pour ravitailler les marchés agricoles mondiaux entamées la semaine dernière se sont poursuivies. Un cargo chargé de 60.000 tonnes de céréales a quitté pour la première fois depuis le début de la guerre Pivdenny, un des trois ports ukrainiens de la mer Noire concernés par l'accord qu'ont signé le 22 juillet les belligérants. Le ministère ukrainien des Infrastructure espère « atteindre un rythme de trois à cinq navires par jour » quittant l'Ukraine d'ici deux semaines. Inquiétude mondiale Moscou a souligné lundi que le bombardement de la centrale de Zaporijjia « pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour une vaste zone, y compris pour le territoire européen », tandis que le président Zelensky a mis en garde contre une répétition de la plus grande catastrophe du nucléaire civil, survenue dans son pays en 1986. « Le monde ne doit pas oublier Tchernobyl (...) La catastrophe de Tchernobyl, c'est l'explosion d'un réacteur et la centrale de Zaporijjia est dotée de six réacteurs », a-t-il martelé dans la soirée. Les deux belligérants s'accusent mutuellement depuis vendredi de bombarder cette centrale située dans le sud de l'Ukraine, prise début mars par les soldats russes, sans qu'aucune source indépendante ne puisse confirmer. « Il devrait y avoir une mission de gardiens de la paix qui inclurait aussi des experts de l'AIEA », l'Agence internationale de l'énergie atomique, a jugé le patron de la compagnie ukrainienne Energoatom, Petro Kotine, à la suite des frappes de vendredi et samedi dont la Russie et l'Ukraine s'imputent mutuellement la responsabilité. « Des Ukrainiens contrôlent les installations des réacteurs » et « il n'y a aucune information sur le fait qu'elles aient été minées », a-t-il en revanche assuré, mais « les Russes ont miné la côte près de la centrale » et « il y a probablement des voitures chargées d'explosifs près du premier et du second réacteur ». Le ministère russe de la Défense a affirmé que le dernier bombardement, ce week-end, avait endommagé une ligne à haute tension fournissant de l'électricité à deux régions ukrainiennes. « Nous continuons à appeler la Russie à cesser toutes ses opérations militaires dans et autour des centrales nucléaires ukrainiennes et à en redonner le contrôle à l'Ukraine », a exhorté lundi la Maison Blanche, selon laquelle « heureusement, nous n'avons aucune indication d'une augmentation anormale des niveaux de radioactivité ». « Toute attaque contre des centrales nucléaires est une chose suicidaire », a pour sa part averti le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres. « J'espère que ces attaques prendront fin. En même temps, j'espère que l'AIEA pourra accéder à la centrale ». L'AIEA avait jugé samedi « de plus en plus alarmantes » les informations en provenance de Zaporijjia, dont l'un des réacteurs avait dû être arrêté après un bombardement la veille. Traité de désarmement mis à mal En pleine offensive russe en Ukraine, Moscou « a officiellement informé » lundi Washington que tous les sites militaires russes soumis à des inspections américaines dans le cadre du traité de désarmement New Start en seraient « temporairement exemptés ». Il s'agit notamment des bases de tir de missiles, ainsi que des bases aériennes et navales où se trouvent des engins nucléaires. « La Fédération de Russie est obligée de recourir à cette mesure (...) en raison des réalités existantes qui (...) privent la Russie de son droit d'effectuer des inspections » aux Etats-Unis, a déclaré la diplomatie russe. New Start, qui limite les arsenaux des deux principales puissances nucléaires de la planète à un maximum de 1.550 ogives déployées chacune, est le dernier accord bilatéral du genre les liant. Washington a de son côté annoncé une nouvelle aide militaire d'un milliard de dollars à l'Ukraine, comprenant des munitions pour les systèmes d'artillerie de précision Himars, des missiles de courte et moyenne portées pour les systèmes de défense antiaérienne Nasams, ainsi que les redoutables Javelin, des armes antichars. La Banque mondiale fournira par ailleurs 4,5 milliards de dollars à l'Ukraine grâce à des fonds apportés par les États-Unis, afin d'aider le gouvernement à faire face aux « besoins urgents engendrés par la guerre ». 80.000 soldats russes tués ou blessés ? Sur le terrain, l'armée ukrainienne a affirmé avoir de nouveau frappé dans la nuit de dimanche à lundi le pont stratégique d'Antonivski enjambant le Dniepr à Kherson, une ville du Sud prise le 3 mars par l'armée russe. L'état-major ukrainienne a en outre signalé des attaques repoussées « dans la direction de Sloviansk » et contre Bakhmout, dans l'Est, tandis que « les Russes continuaient de bombarder » dans plusieurs autres régions, dont celles de Kharkiv (nord-est) et de Zaporijjia. Dans cette dernière province en partie occupée, les autorités nommées par Moscou ont annoncé lundi officiellement entamer des préparatifs en vue de l'organisation d'un référendum sur son rattachement à la Russie. La veille, Volodymyr Zelensky avait mis en garde les Russes contre de tels « référendums », les prévenant que s'ils persistent dans cette voie, « ils se fermeront à eux-mêmes toute possibilité de négociations avec l'Ukraine et le monde libre, dont ils auront certainement besoin à un moment donné ». Par ailleurs, des missiles Himars ont frappé les forces russes à Melitopol, une autre cité qu'elles ont conquise dans le sud de l'Ukraine, selon son maire Ivan Fedorov. Au total, selon le Pentagone, « 70.000 à 80.000 soldats » russes ont été tués ou blessés depuis le début, le 24 février, du conflit. A Tcherniguiv, dans le Nord, un tribunal a condamné lundi à 10 ans de prison un tankiste russe accusé d'avoir tiré sur un immeuble d'habitation. Les services de sécurité ukrainiens ont par ailleurs affirmé avoir déjoué une tentative d'assassinat du ministre de la Défense et du chef du renseignement militaire.