L'euro plongeait lundi sous la parité avec le dollar, au plus bas depuis près de 20 ans, pris en étau entre une crise énergétique majeure en Europe et une banque centrale américaine (Fed) toujours offensive pour juguler l'inflation. Vers 18H15 GMT, l'euro perdait 1,05% à 0,9932 dollar, un plus bas depuis décembre 2002. La monnaie unique était déjà descendue une première fois sous la parité mi-juillet. La fermeture annoncée, pour maintenance, du gazoduc Nord Stream 1, qui fournit l'essentiel du gaz russe à l'Europe, entre le 31 août et le 2 septembre, a encore accentué les craintes de pénurie sur le Vieux continent, et fait décoller les cours du gaz naturel en Europe. « Cela augmente le risque d'un ralentissement économique significatif d'ici la fin de l'année » en zone euro, a estimé Shaun Osborne, de Scotiabank. « L'évolution des prix de l'énergie et la question de l'approvisionnement sont toutes deux très préoccupantes, et c'est ce qui est derrière ce mouvement » à la baisse de l'euro, selon Erik Nelson, de Wells Fargo. Le Royaume-Uni est également pris dans cette crise et la livre sterling ne faisait guère mieux que l'euro lundi face au billet vert. Elle flirtait avec son niveau de mars 2020, aux premiers jours de la pandémie, à 1,1760 dollar pour une livre. Avant 2020, la livre britannique n'était pas repassée sous le seuil de 1,18 dollar depuis 1985. Très dépendante des approvisionnements russes, la Hongrie a elle vu le forint tomber au plus bas niveau de son histoire par rapport au dollar, à 411 forints pour un dollar. « L'épée de Damoclès suspendue au dessus de l'Europe est partie pour rester là », prévient Kit Juckes, analyste chez Société Générale. Et la semaine menace d'être plus douloureuse encore pour l'euro, car « de mauvais indicateurs PMI mardi pourraient suffire à ancrer l'euro sous un dollar », prévient-il. – La Fed toujours aux avant-postes – Ce développement place la Banque centrale européenne (BCE) dans une situation « très difficile », constate Erik Nelson. Une hausse de son taux directeur lors de sa prochaine réunion du 8 septembre, attendue à un demi-point de pourcentage, « soutiendrait un peu » l'euro, « mais avec le risque d'aggraver la situation économique » de la zone. Et même en osant un nouveau relèvement d'un demi-point comme le prévoit le marché, après une hausse similaire en juillet, la BCE ne referait pas son retard sur la Fed, que les opérateurs voient désormais remonter une troisième fois d'affilée ses taux de 0,75 point de pourcentage en septembre. La différence de rythme se reflète dans les taux obligataires. L'écart entre le rendement des emprunts d'Etat américains à 3 mois et ceux de l'Allemagne, pour la même échéance, était lundi au plus haut depuis près de trois ans. « Les gens s'attendent à ce que le président de la Fed (Jerome) Powell adopte un discours peut-être un peu plus offensif qu'en juillet » lors de son allocution, prévue vendredi à l'occasion de la rencontre annuelle des banquiers centraux à Jackson Hole (Wyoming). Outre la poursuite du resserrement, le responsable pourrait insister sur « la probabilité que l'inflation reste élevée pour un moment, (…) et que les taux demeurent hauts pour quelque temps aussi », estime Shaun Osborne. Après avoir tablé sur une possible baisse de taux de la Fed durant les premiers mois de 2023, le marché ne l'envisage plus qu'à la fin de l'an prochain, ce qui contribue à soutenir le « greenback », un autre surnom du dollar. Certains analystes voient l'euro déraper encore davantage à mesure qu'arrive la saison froide, notamment Nomura, qui évoque la monnaie unique à 0,95 dollar d'ici octobre, voire en-deçà. Mais pour Shaun Obsorne, « le dollar est déjà allé très haut et nous ne sommes pas persuadés qu'il aille beaucoup plus loin à moyen terme ».