Au moins cinquante civils sont morts ce week-end dans une attaque de jihadistes présumés contre le village de Seytenga, dans le nord du Burkina Faso, un des plus lourds bilans depuis la prise de pouvoir de la junte militaire en janvier. « L'armée a passé en revue l'ensemble des maisons et jusque là, 50 corps ont été retrouvés », a indiqué le porte-parole du gouvernement Lionel Bilgo, craignant un bilan « plus lourd ». Selon l'Union européenne, l'attaque « aurait fait plus d'une centaine de victimes civiles ». « Des parents sont revenus à Seytenga, et ont peut-être emporté des corps », a expliqué Lionel Bilgo lors d'une conférence de presse lundi. L'attaque a eu lieu dans la nuit de samedi à dimanche, a précisé le porte-parole du gouvernement. Seytenga avait déjà été frappé jeudi par une attaque jihadiste qui avait tué onze gendarmes. L'armée burkinabè avait annoncé avoir tué une quarantaine de jihadistes à la suite de cette attaque. Les meurtres du week-end « sont des représailles aux actions de l'armée qui ont fait des saignées » au sein des groupes jihadistes, a estimé M. Bilgo. « L'armée est à l'œuvre », a-t-il assuré. Selon des organisations humanitaires dans le nord du pays, 3.000 personnes ont été recueillies dans des villes voisines depuis dimanche après avoir fui Seytenga. L'UE a exprimé sa condamnation, appelant à ce que « la lumière soit faite sur les circonstances de cette tuerie ». « Le procédé utilisé par le groupe terroriste auteur de l'attaque, à savoir l'exécution systématique de toute personne rencontrée dans le village est effroyable », a souligné le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell dans un communiqué. – Reprise des attaques – Il s'agit de l'une des attaques jihadistes les plus meurtrières depuis la prise de pouvoir du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba dans un coup d'Etat fin janvier. Il avait alors renversé le président Roch Marc Christian Kaboré, devenu largement impopulaire et accusé d'inefficacité contre l'insécurité. Deux attaques avaient notamment marqué les esprits: la plus meurtrière de l'histoire du pays, contre le village de Solhan (nord-est) en juin 2021, qui avait tué 132 personnes selon le gouvernement et celle d'Inata (nord) en novembre 2021 où 57 gendarmes avaient été tués. Cette dernière attaque avait provoqué un électrochoc dans l'armée, qui avait pris le pouvoir quelques semaines plus tard. Après l'arrivée au pouvoir du lieutenant-colonel Damiba, qui a voulu faire de la sécurité « sa priorité », les attaques de ces mouvements affiliés à Al-Qaïda et l'Etat islamique avaient marqué le pas. Mais elles ont repris et tué près de 300 civils et militaires ces trois derniers mois. Le nord et l'est du pays, frontaliers du Mali et du Niger sont les régions les plus touchées par la violence jihadiste. Samedi, plusieurs centaines de personnes ont manifesté à Pama (est) pour dénoncer « l'abandon » de cette partie du pays, « assiégée » selon eux par des groupes jihadistes depuis février dernier. Depuis février, les antennes téléphoniques et les lignes électriques ont été sabotées par les groupes armés jihadistes, qui contrôlent également les principaux axes de la zone. Plusieurs communes du nord et de l'est telles que Djibo, Titao ou Madjoari sont placées sous blocus par des jihadistes. L'armée parvient parfois à y faire parvenir des convois de ravitaillement. « Nos troupes sont à rude épreuve, mises sous pression continuellement », a reconnu Lionel Bilgo, lundi. Depuis 2015, les attaques attribuées aux jihadistes ont fait plus de 2.000 morts et près de deux millions de déplacés au Burkina Faso.