(Carte Minurso) Le 10 avril 2022, « Menadefense » a rapporté que « l'armée de l'air marocaine a effectué huit frappes aériennes vers 5 heures du matin contre un regroupement de camions et des marchands, dans la région de Ain Ben Tili dans l'extrême Nord de la Mauritanie ». « Menadefense » a deux caractéristiques : c'est un site algérien et il est manifestement bien informé sur ce qui se passe dans le triangle Maroc-Algérie-Mauritanie. Accessoirement, il se dit « apolitique », mais il appartient théoriquement à un certain Akram Kharief, qui, lui, est un « journaliste politique » assumé. On dit le site proche, voire tenu par l'armée ou les services algériens. Sans se référer à une source précise, Menadefense a précisé qu'« un camion algérien aurait été touché lors de cette attaque qui n'aurait pas fait de morts mais que plusieurs blessés seraient dénombrés ». L'article est accompagné d'images montrant, sur fond de paysage désertique, des vues partielles de cabines de camions abîmées ou calcinées ainsi qu'un homme aux traits subsahariens assis à même le sol, présentant des blessures au visage et aux pieds. Le gouvernement algérien a attendu deux jours avant de réagir. Le 12 avril 2022, dans un communiqué de son ministère des affaires étrangères, l'Algérie a « [condamné] énergiquement les assassinats ciblés commis au moyen d'armes de guerre sophistiquées par le Royaume du Maroc, en dehors de ses frontières internationalement reconnues, contre des civils innocents, ressortissants de trois pays de la région ». Le reste du texte est à l'avenant : « pratiques belliqueuses », « terrorisme d'Etat », « exécutions extrajudiciaires », « acharnement contre des civils à travers des homicides intentionnels et prémédités », « violation systémique grave du droit humanitaire international », « aventurisme », « fuite en avant », « visées expansionnistes ». Le communiqué évoque de possibles « poursuites devant les organes compétents du système des Nations unies ». Pour finir, le ministère algérien estime que la mission et les efforts d'apaisement de l'Envoyé personnel du Secrétaire général de l'ONU pour le Sahara, Staffan de Mistura, « se trouvent sérieusement hypothéqués par ces atteintes graves et répétées à la sécurité dans les territoires sahraouis [...] et leur voisinage immédiat avec des risques sérieux de dérives régionales potentiellement périlleuses ». Le gouvernement mauritanien a aussitôt fait savoir, par la voix de son porte-parole, que l'incident n'a pas eu lieu sur le sol mauritanien et que la Mauritanie n'était pas visée. A ce démenti, qui met Alger dans l'embarras, il faut ajouter deux éléments : * Les autorités algériennes n'ont pas précisé le lieu de l'incident. Elles se sont bornées à indiquer que l'incident aurait eu lieu « en dehors » des « frontières internationalement reconnues » du Maroc. * La nationalité des victimes n'a pas été précisée non plus, le communiqué algérien parlant de « ressortissants de trois pays de la région ». On se perd en conjectures sur le troisième « pays », sachant qu'il n'y en a que deux dans la région, l'Algérie et la Mauritanie. Si l'incident n'a eu lieu ni « au nord de la Mauritanie » ni dans le sud de l'Algérie, seule reste la partie sud du Maroc, dans la région située immédiatement au nord de la Mauritanie, autrement dit à l'est du mur de sécurité. Cette zone, comme on le sait, est devenue une zone militaire depuis la rupture du cessez-le-feu par les miliciens du polisario en novembre 2020. Camions « civils » ? L'affaire des camions d'avril 2022 n'est pas sans rappeler une autre, identique, qui avait été rapportée en novembre 2021 par le même site, Menadefense. L'information publiée le 2 novembre 2021, faisait état de la mort de « trois civils algériens » à la suite du « bombardement par l'armée marocaine » de « deux camions de transports algériens qui faisaient la liaison Nouakchott-Ouargla ». L'incident, selon le site, avait eu lieu le 1er novembre 2021 entre Aïn Bentili et Bir Lahlou en « territoire libéré », « par où passe la route entre l'Algérie et la Mauritanie ». Le 3 novembre 2021, la présidence de la république algérienne avait publié un communiqué selon lequel « le 1er novembre 2021, (...) trois (03) ressortissants algériens ont été lâchement assassinés par un bombardement barbare de leurs camions, alors qu'ils faisaient la liaison Nouakchott-Ouargla, dans un mouvement naturel d'échanges commerciaux entre les peuples de la région.[...] La présidence, s'appuyant sur « plusieurs facteurs », avait mis en cause l'armée marocaine, qui aurait utilisé dans cette opération un « un armement sophistiqué ». Là aussi, le ton était peu amène : « lâche assassinat », « nouvelle manifestation d'agressivité brutale », « politique connue d'expansion territoriale et de terreur ». Le communiqué présidentiel concluait : « Les trois victimes innocentes de cet acte de terrorisme d'Etat rejoignent, en ce glorieux jour du 1er Novembre, les Martyrs de la Libération nationale qui font de l'Algérie Nouvelle la citadelle des valeurs et des principes de son Histoire éternelle. Leur assassinat ne restera pas impuni. » Or, la Minurso avait indiqué que l'incident avait eu lieu le 2 novembre 2021, ruinant du même coup la crédibilité de la version du régime algérien qui, mal renseigné ou à dessein, avait voulu instrumentaliser la date du 1er novembre. Le communiqué de la présidence ne le précisait pas, mais si l'incident a eu lieu comme l'a avancé Menadefense, sur « la route Nouakchott- Ouargla (sud de l'Algérie) », quelque part « entre Ain Bentili [en Mauritanie] et Bir Lahlou [au Sahara marocain] », les camions se trouvaient dans la zone militaire déjà mentionnée. La Mauritanie avait démenti, comme elle vient de le faire, qu'une attaque se fut produite sur son territoire. On remarquera que le polisario est resté étrangement muet et absent, alors même que les incidents sont supposés avoir eu lieu dans une zone qu'il a toujours présentée comme « territoire libéré ». C'est dire, s'il en était besoin, combien dans le tandem Algérie-polisario (rasd) tout est en trompe-l'œil. Sur les raisons derrière l'attaque supposée des camions algériens, Amar Belani est plus prolixe que le communiqué de son ministère. Selon l'« envoyé spécial chargé du dossier du Sahara occidental et des pays du Maghreb », qui s'est exprimé sur le site TSA (https://www.tsa- algerie.com/exclusif-amar-belani-met-en-garde-le-maroc/) le 14 avril 2022, l'objectif du Maroc serait de « faire entrave au commerce entre l'Algérie et la Mauritanie » car « le marché mauritanien est dépendant des agrumes et autres produits de consommation marocains ». Rabat « redoute sérieusement que cette carte de quasi-monopole ne soit démonétisée par la route entre Tindouf et Zouerat ». L'Algérie n'ayant ni la capacité ni le savoir-faire nécessaire pour exporter quoi que ce soit en dehors du pétrole et du gaz, il est permis de penser qu'il s'agit plutôt d'importations de la Mauritanie. Il se chuchote que les Algériens s'approvisionnent en fruits et légumes marocains à Nouakchott, en particulier les pommes de terre. Pour continuer à s'approvisionner en produits marocains à Nouakchott, les camions algériens devront désormais rouler en territoire mauritanien et passer par la fameuse route (piste) Zouerat-Tindouf évoquée par Belani. En novembre 2021 mais plus encore en avril 2022, la même question se pose : pourquoi l'Algérie laisse-t-elle ses ressortissants prendre des risques et exposer leur vie ? Pour l'heure, le gouvernement algérien a d'autres préoccupations, il ne pense qu'à s'en prendre au Maroc et à lui lancer des accusations sans la moindre preuve. Il arme le polisario et le pousse à perpétrer des actes terroristes, mais il s'émeut lorsque le Maroc riposte. Agressé, le Maroc ne tend pas l'autre joue. Là où Alger voit des « atteintes graves et répétées à la sécurité », Rabat voit de la légitime défense. C'est le cas aujourd'hui, c'était le cas en novembre 2021 et c'était aussi le cas à El Guergarate en novembre 2020.