Le constat est affligeant: plusieurs métiers dans le secteur de l'artisanat meknassi ont disparu et un bon nombre est menacé de disparition. Hasard, coïncidence, malédiction ? l'agression sur le patrimoine artisanal de Meknès s'amplifie de jour en jour et plonge l'ensemble de la ville dans une situation de désolation. D'autant que cette agression est associée à une fragilisation amplifiée des savoir-faire inhérents à certains métiers de l'artisanat qui courent le risque de disparaître définitivement avec la disparition des derniers dépositaires. Trois problèmes majeurs sortent du lot : le financement, la structuration, et la mauvaise gestion des avoirs et du savoir. Meknès, quoiqu'elle fasse partie tout comme Marrakech, Fès et Rabat des villes impériales, elle est certainement la moins connue et la moins touristique, mais cela ne lui enlève en rien son statut de vrai bastion d'artisanat incarnant des références culturelles et identitaires plongées dans l'histoire de la ville. Les Meknassi portent dans leur cœur cet héritage immatériel riche en traditions et coutumes ancestrales. Mais lorsque le spectre d'extinction menace ce grand patrimoine, et lorsque la nouvelle génération commence à bouder ces métiers manuels, l'intifada pacifique devient vitale. Quatre quartiers artisanaux qui faisaient la grandeur de l'artisanat meknassi, ont disparu l'un après l'autre : Sellaline, Fekharine, Haddadine et Nejairine. Ces quartiers où florissaient quatre grands métiers artisanaux : la vannerie, la poterie, la ferronnerie et la menuiserie, ont été tout simplement ravagés par l'économie de masse, les petits commerces et les nouveaux modes de vie. D'abord Sellaline, quartier garant et financeur de la vannerie meknasssie. Cet art artisanal qui était en évolution constante dans les années 60 et 70, a complètement disparu du quartier Sellaline. C'est u métier où la malléabilité et la diversité des matières permettaient d'inventer, au fil des années, de nouvelles créations et d'adapter la production aux goûts et besoins du jour. Au contact de Ba Larbi, lhaj lyazid et autres artisans des années 70, on découvrait cette diversité créative allant des plus traditionnelles aux plus innovantes et on ne pouvait qu'admirer ce travail du roseau (laqseb) reconnu à la fois pour ses qualités de flexibilité et de solidité qui permettait la production de nombreux objets : meubles, luminaires, corbeilles, paniers, étagères et autres. Juste à côté, à une centaine de mètres, un regroupement d'artisans spécialisés dans les arts du feu (ferronnerie) avait élu domicile au quartier Haddadine qui atteste de l'existence de forgerons qualifiés aux savoir-faire élevés exerçant leur compétence dans le cadre d'une production raffinée et savamment maîtrisée. Chauffage, soudage, façonnage, fabrication de portes, tables, chaises, salons, outils de décoration..etc. Tous les travaux de forgeage étaient réunis dans ce lieu magique non loin du mausolée du cheikh El Hadi Benaissa où les aissaoua des quatre coins du Maroc se réunissent pour célébrer la fête d'al mawlid. Le quartier Fekharine, berceau de la poterie, a subi lui aussi le même sort. La diversité attachée à la poterie meknassie donnait à admirer le raffinement de cet art artisanal, considéré depuis toujours comme la vitrine patrimoniale et culturelle de Meknès. Nombreux étaient les artisans qui fabriquaient depuis des décennies la poterie sous toutes ses formes.. le bocal (khabia) de petite et grande forme, les glacières (barradate), le mug (ghorraf) ainsi que le brasero (majmare), frère jumeau du soufflet (rabouz) dont l'industrie commence à perdre, ces dernières années, sa place après une belle période de rayonnement. Toutes ses poteries passent par lamâllam, dont les gestes savamment équilibrés donnent forme à la façade du bocal en usant d'outils nécessaires à la confection de ses objets.. Il ne reste hélas aujourd'hui qu'une poignée de mâlmine qui excellent dans l'ornement de cet outil et sa préservation. Il est lui aussi menacé d'extinction avec la disparition des maîtres artisans et le peu d'intérêt porté à son apprentissage. Reste enfin le quartier Nejjarine qui regorgeait les métiers de la menuiserie extérieure avec la réalisation de portes extérieures et de fenêtres, volets mécanique et autres.., et la menuiserie intérieure comportant la réalisations de portes intérieures et de cuisines, meubles, tables, cloisons.., etc. Ici dans ce quartier anciennement artisanal, il ne reste plus que lamâllam Houari, seul à perpétuer ce métier en compagnie de son ami Bachir, après qu'une dizaine de petits locaux spécialisés dans la menuiserie ont fermé, envahi par l'économie souterraine, les petits commerce et l'arrivée de nouveaux matériaux : aluminium, plastique, matériaux composites et autres. Une situation alarmante qui plaide aujourd'hui en faveur d'une action ciblée pour la préservation de ce patrimoine séculaire. il n'y a plus de place à Meknès pour les pessimistes et les fatalistes. Potentialités culturelles, conseils municipaux et régionaux, citoyens : Ensemble pour sauver l'artisanat meknassi, patrimoine identitaire et secteur vital pour l'économie locale.