La Cour des comptes a réalisé, au cours des années 2019 et 2020, plusieurs missions de contrôle relatives aux secteurs de l'administration et des finances publiques. Ces missions ont concerné principalement la gestion du budget de l'Etat au titre des exercices 2018, 2019 et 2020, ainsi que la mise en œuvre de la démarche de la performance, la gestion des recettes de l'administration fiscale, les étapes franchies dans la mise en place de la comptabilité générale de l'Etat, la situation des régimes de retraite et la gestion des services consulaires destinés aux Marocains résidant à l'étranger. Concernant la gestion du budget de l'Etat, la Cour a élaboré deux rapports sur l'exécution des lois de finances pour les années 2018 et 2019, qu'elle avait adressés au Parlement, et le rapport annuel en donne une synthèse. Ainsi l'année 2019 a enregistré une relative stabilité du déficit budgétaire s'élevant à 41,5 milliards de dirhams, soit 3,6% du PIB, avec une légère baisse de 141 millions de dirhams par rapport à 2018. Le ratio de la dette du Trésor s'est également stabilisé à 65,7% du PIB à fin 2019. Le rapport annuel traite également de l'évolution de la conjoncture qui a rendu nécessaire le recours à une loi rectificative des finances pour l'année 2020, en raison du contexte exceptionnel de la pandémie de Covid-19 et de ses répercussions directes et profondes sur les finances publiques du Royaume, à l'instar de la plupart des autres pays. Selon le rapport, l'une des conséquences de cette situation a été notamment l'aggravation du déficit budgétaire, qui a presque doublé d'une année à l'autre, atteignant 82,4 milliards de dirhams, et la dette du Trésor qui a enregistré une trajectoire ascendante, passant à 76,4% du PIB à fin 2020, soit une augmentation de 10,7 points par rapport à l'année précédente. Au sujet de la mise en œuvre de la démarche de la performance, le rapport souligne les progrès significatifs de son extension à l'ensemble des départements et institutions, ce qui a contribué à créer une véritable dynamique dans la gestion des finances publiques. Cette dynamique connait toutefois, selon le rapport, certaines insuffisances qui en limitent l'impact, à savoir : une cohérence limitée entre les stratégies sectorielles et certains programmes budgétaires, la multiplication excessive des objectifs et des indicateurs d'où la difficulté de leur suivi ainsi que l'absence de systèmes d'information dédiés au suivi de la performance. Dans le domaine fiscal, le rapport a analysé, sur la base des constats des missions de contrôle, la gestion des recettes par l'administration fiscale. A ce sujet, la Cour recommande de prendre les mesures nécessaires pour élargir l'assiette fiscale, à travers la réalisation régulière du recensement annuel des redevables, la tenue d'une base de données exhaustive et précise, permettant le suivi et la relance des redevables récalcitrants et l'application de la procédure de taxation d'office, le cas échéant. En matière de contentieux fiscal, la Cour recommande le recouvrement des créances sur la base d'éléments tangibles et conformes en vue d'éviter l'annulation, par la justice, des décisions prises, à cause des erreurs de liquidation de l'impôt ou des vices de forme. De plus, la Cour recommande la mise à niveau du système intégré de taxation, en remédiant aux insuffisances relatives au contrôle, au suivi et à l'alerte. Sur le plan de la préparation de la certification des comptes de l'Etat, la Cour a réalisé en 2019 deux missions : l'une portant sur l'évaluation du système de contrôle et d'audit internes au niveau de l'administration publique et l'autre a concerné les systèmes d'information du ministère de l'Economie et des finances. Par ailleurs, une autre mission exploratoire a couvert, en 2020, l'état d'avancement des travaux de mise en œuvre de la comptabilité générale de l'Etat. La Cour a noté que malgré les avancées réalisées en la matière, ce projet nécessite l'établissement d'un plan d'action clair et davantage de coordination et d'implication de l'ensemble des intervenants. En effet, certaines opérations comptables prioritaires ne disposent pas encore d'échéancier précis. Il s'agit notamment du recensement et de la valorisation exhaustive des immobilisations et des stocks, du recensement de la dette, spécialement les contrats d'emprunt et les engagements hors bilan, et des restes à recouvrer des recettes publiques. En ce qui concerne les régimes de retraite, la Cour a noté que la couverture totale de la retraite pour la population active est encore limitée. Sur les 4,4 millions de personnes à fin 2019, le taux de cette couverture ne dépasse pas 42%, malgré les progrès significatifs constatés ces dernières années, au niveau de la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale. A l'instar des exercices précédents, le rapport a également analysé la situation des régimes de retraite, marquée par des difficultés croissantes quant à leur pérennité et leur équilibre financier. Dans ce sens, le rapport souligne que malgré les modifications importantes des paramètres du régime des pensions civiles de la Caisse Marocaine des Retraites, introduites par la réforme de 2016, ce régime risque de voir l'intégralité de ses réserves se détériorer d'ici 2026. Quant au Régime Collectif des Allocations de Retraite, il connaît un déficit technique depuis plusieurs années, et son premier déficit global pourrait apparaitre d'ici 2028. Le régime de retraite des salariés géré par la Caisse Nationale de la Sécurité Sociale, pour sa part, devrait faire face à son premier déficit technique d'ici 2029, malgré la présence d'un levier démographique favorable. Compte tenu de l'ampleur de ces déséquilibres, la Cour réitère la nécessité d'une réforme urgente et recommande de poursuivre la révision et l'harmonisation des paramètres des régimes de retraite, la mise en place de solutions de financement appropriées et innovantes ainsi que la revue de la gouvernance et du pilotage des régimes. A ce titre, il convient d'établir une feuille de route de la réforme structurelle et d'amorcer, incessamment, le processus de la réforme systémique en accélérant le rythme des réformes paramétriques dans l'optique de la convergence des régimes existants vers un régime cible préalablement défini, et de revoir la réglementation régissant le régime de la couverture retraite des travailleurs non-salariés. La Cour a également consacré une mission de contrôle à la gestion des services consulaires destinés aux Marocains résidant à l'étranger. A ce titre, elle a recommandé au ministère concerné, sur la base des constats relevés, d'élaborer une stratégie consulaire intégrée et cohérente, et d'améliorer le cadre d'évaluation et de suivi de la performance des services consulaires. La Cour a également préconisé de renforcer la communication avec les usagers des services consulaires et d'activer le chantier de la dématérialisation et le programme de modernisation des locaux consulaires, ainsi que la simplification des démarches administratives et l'amélioration de la qualité des services rendus. Par ailleurs, la Cour a suggéré de mettre en place un plan de gestion des situations de crise, permettant aux postes consulaires d'adopter une approche proactive en cas de survenance de situations de crises majeures et de veiller à assurer les prestations de protection et d'assistance sociale et juridique au profit des Marocains à l'étranger, sachant que les récents événements liés à la crise ukrainienne, ont démontré la pertinence de ce genre d'approche.