La Cour des comptes a réalisé dix (10) missions de contrôle de la gestion des recettes de l'administration fiscale (RAF), ayant concerné les directions régionales et provinciales des impôts de Marrakech, Fès, Tanger, Agadir et Oujda, en plus des subdivisions d'impôts à Témara, Tifelt, Salé, Safi et El Jadida. A ce titre, la Cour a relevé plusieurs observations, dont les principales se présentent comme suit : en matière de gestion de l'assiette fiscale, le service compétent joue un rôle essentiel en matière de recensement des redevables et de réception des réclamations fiscales, en plus de la gestion de plusieurs impôts. Toutefois, ce service ne réalise pas le recensement annuel de manière régulière et ne dispose pas des situations exhaustives des redevables qui ont failli à l'obligation de la déclaration fiscale. En outre, les procédures de relance et de taxation d'office des redevables récalcitrants, ne sont pas appliquées dans les délais règlementaires. Concernant le contrôle fiscal, en tant qu'activité principale de l'administration fiscale, il lui permet de s'assurer de la conformité des situations comptables et des déclarations des contribuables. Pourtant, ce contrôle souffre de plusieurs insuffisances liées au manque de traçabilité et de documentation des diligences et des mesures prises lors de l'application de la révision fiscale, ainsi qu'à l'imprécision des critères de programmation des missions de contrôle fiscal, qui doit découler du système d'analyse des risques. Lire également : 90% des recettes fiscales proviennent de 8% des contribuables A titre d'exemple, la correction des déclarations afférentes aux profits fonciers s'effectue parfois en l'absence de critères objectifs. De même, plusieurs décisions sont prises à titre individuel, au lieu de recourir à des décisions écrites et justifiées, appuyées par des procès-verbaux et des notes explicatives émanant de comités ou commissions dédiés. En matière de recouvrement des créances douteuses, l'administration fiscale conclut des accords avec les redevables fixant l'échéancier du recouvrement, sachant qu'elle dispose à ce niveau d'un pouvoir d'appréciation large. Cependant, la Cour a relevé que plusieurs RAF ne disposent pas de bases de données retraçant de manière exhaustive les accords conclus ainsi que les phases de leur exécution, en vue d'assurer le suivi du recouvrement (condition suspensive de l'accord). A noter que certains accords sont conclus par des personnes appartenant à des niveaux hiérarchiques différents, au lieu de les conclure dans le cadre de comités ou commissions dédiés. Concernant la prise en charge et le recouvrement des créances par les comptables publics, ils sont encadrés par des dispositions légales régissant le contrôle de leur régularité et les modalités de leur encaissement. A ce titre, le service de l'assiette est tenu d'adresser au comptable concerné les rôles et les états de produits avant la date de mise en recouvrement. Quant au comptable, il est tenu d'effectuer les contrôles prévus par les lois et règlements en vigueur. Toutefois, la prise en charge des ordres de recettes et la mise en recouvrement s'effectuent dans plusieurs cas en l'absence des contrôles sus indiqués et sans disposer de l'ensemble des données nécessaires à l'accomplissement des opérations de recouvrement. En matière de recouvrement des créances, les services concernés avisent les redevables récalcitrants par voie de lettre recommandée ou d'huissier de justice. Néanmoins, l'efficacité de ces diligences est limitée par certaines insuffisances. En plus, pour le cas des redevables qui font l'objet de contrôle fiscal, le droit de communication au comptable public des documents et données lui permettant de prendre les mesures préventives et conservatoires est assez limité. D'un autre côté, l'administration fiscale est habilitée à prononcer, sous conditions, les remises et les admissions en non-valeur de certaines créances. En effet, selon le code général des impôts, le ministre chargé des finances ou la personne déléguée par lui peut prononcer le dégrèvement partiel ou total des impôts surestimés, imposés doublement ou illégalement appliqués. Il peut également accorder, à la demande du contribuable et au vu des circonstances invoquées, la remise ou la modération des majorations, amendes et pénalités prévues par la législation en vigueur. A ce titre, la Cour a relevé que l'application de ces remises est devenue systématique, sans même respecter les règles et formalités prévues, notamment par le manuel des procédures de traitement des réclamations. Pour les admissions en non-valeur, bien que le comptable soit obligé d'établir l'impossibilité de recouvrement, plusieurs dossiers examinés par la Cour ne comportaient pas les documents et justifications requises, ainsi que les rapports analytiques relatant les diligences effectuées. Concernant le contentieux fiscal, ce dernier découle le plus souvent de l'émission d'ordres et titres de recettes forfaitaires, laissant à la charge du contribuable de prouver le non fondé de l'imposition. Cette situation entraine souvent le déclenchement du contentieux suite au refus par les contribuables de la position de l'administration fiscale. D'ailleurs, certaines créances ont été annulées par des arrêts des tribunaux administratifs, lors de la phase d'appel, à cause des vices de forme, de l'illégalité de l'imposition ou de l'existence d'un droit d'exonération. A signaler que le recours en appel est parfois introduit par l'administration fiscale. En vue d'améliorer la qualité des services rendus, l'administration fiscale a mis en place un système intégré de taxation (SIT), qui a remplacé l'ancien système d'information (SIA). Toutefois, la migration vers ce nouveau système n'a pas été accompagnée par les mesures nécessaires pour prévenir les risques liés à l'intégrité des données. En plus, ledit système nécessite des mises à jour pour le développement de certaines fonctionnalités complémentaires, telles que l'alerte systématique relative au rappel du dépôt des déclarations fiscales, la consolidation des données et le recoupement des informations. A la lumière de ce qui précède, la Cour des comptes a recommandé de prendre les mesures nécessaires pour élargir l'assiette fiscale, à travers la réalisation du recensement annuel des redevables de manière régulière, la tenue d'une base de données exhaustive et précise permettant le suivi et la relance des redevables récalcitrants et l'application de la procédure de taxation d'office, le cas échéant. En matière de prise en charge et du recouvrement, la Cour a recommandé aux comptables publics de mettre en œuvre les contrôles requis avant la prise en charge des créances et la sensibilisation des services de l'ordonnateur sur l'importance de disposer des informations complémentaires sur les redevables en vue de faciliter les opérations du recouvrement. Concernant les remises et les admissions en non-valeur, la Cour a recommandé le respect des règles et formalités règlementaires qui conditionnent l'octroi des admissions en non-valeur à l'impossibilité de recouvrement des créances concernées. A propos du contentieux fiscal, la Cour a recommandé le recouvrement des créances sur la base d'éléments tangibles et conformes en vue d'éviter l'annulation par la justice des décisions prises, à cause des erreurs d'évaluation de l'impôt ou des vices de forme. La Cour a recommandé aussi la mise à niveau du système intégré de taxation, en remédiant aux lacunes relatives au contrôle, au suivi et à l'alerte, ainsi qu'à l'intégrité des données et des situations financières et comptables extraites de ce système.