Le pétrole reprenait jeudi son escalade, atteignant un prix record depuis plus d'une décennie, et entraînait avec lui les matières premières, en raison des incertitudes sur l'approvisionnement générées par la guerre en Ukraine. Le baril de Brent de la mer du Nord, référence du brut en Europe, a grimpé jusqu'à 119,84 dollars. Le seuil des 120 dollars n'a pas été atteint depuis 2012. Le West Texas Intermediate (WTI) coté à New York a quant à lui poussé jusqu'à 116,57 dollars, un nouveau sommet plus vu depuis septembre 2008. Les deux références de l'or noir ont flambé d'environ 50% depuis le début de l'année. La hausse des prix, qui s'explique par la guerre en Ukraine et une « prime de risque » sur l'offre pétrolière en provenance du géant russe, est accentuée « par l'incertitude (…) et l'ajustement de positions spéculatives », note Tamas Vargas, analyste de PVM. Une semaine après le lancement de leur opération en Ukraine, les forces russes se sont emparées de leur première grande ville, Kherson, peu avant une deuxième session de discussions jeudi sur un cessez-le-feu entre négociateurs russes et ukrainiens. « Il y a des peurs légitimes sur l'approvisionnement tendu généré par la crise en Ukraine, et le fait que l'occupant et l'occupé jouent un rôle clé dans le marché mondial de l'énergie », ajoute-t-il, la Russie étant le deuxième exportateur de pétrole brut au monde. « Même si les sanctions occidentales n'ont pas été jusqu'à interdire les exportations russes, l'offre de brut et de produits pétroliers du pays a clairement été touchée », notamment « parce que les sanctions financières rendent impossibles de faire des achats de pétrole avec la Russie », souligne-t-il. – Tensions sur l'offre en énergie – Les entreprises occidentales « s'auto-sanctionnent » en n'achetant plus de pétrole russe, et « préfèrent trouver d'autres solutions car le risque de sanction augmente proportionnellement à l'intensité de la guerre en Ukraine », affirme Ipek Ozkardeskaya, analyste pour la banque Swissquote. Un « désinvestissement » et une « réduction de l'exposition au pétrole russe » qui permettront à l'Occident d'imposer plus facilement des sanctions sur l'énergie russe si les sanctions déjà infligées à Moscou « n'arrêtent pas la Russie dans son offensive », explique l'analyste. L'Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés (Opep+) a décidé mercredi de s'en tenir à une ouverture des vannes au compte-gouttes malgré l'embrasement des cours, en augmentant son niveau total de production de 400.000 par jour pour le mois d'avril. L'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui a jugé cette posture « décevante », avait annoncé mardi la mise sur le marché de 60 millions de barils tirés des réserves de ses pays membres. Le gaz naturel était lui aussi entraîné à la hausse, le TTF néerlandais touchant les 199,990 euros le mégawhattheure (MWh), un record historique. La Russie représente plus de 40% des importations annuelles de gaz naturel de l'Union européenne. Le gaz britannique tutoyait pour sa part son record historique de décembre dernier. – Course folle des matières premières – Les autres matières dont la Russie est un important producteur restaient elles aussi sur une spirale ascendante. « L'attaque contre l'Ukraine a mis en évidence le niveau de dépendance de l'Occident vis-à-vis de la Russie en matière d'énergie et de matières premières », souligne Victoria Scholar, analyste pour Interactive Investor. L'aluminium, le charbon « ont atteint de nouveaux records, tandis que le blé a atteint son plus haut niveau depuis 14 ans », relève-t-elle. La Russie et l'Ukraine représentent 30% du commerce mondial de blé. La tonne d'aluminium a atteint jeudi à 3.691,50 dollars sur le marché londonien des métaux de base (London Metal Exchange, LME), un nouveau sommet historique, quand le nickel a grimpé à 27.815 dollars la tonne, un record depuis 11 ans. En 2021, la Russie était le troisième producteur d'aluminium au monde après la Chine et l'Inde, selon le World bureau of metal statistics. Elle est également un grand producteur de nickel. Le LME Index, un indice qui intègre les prix de l'aluminium, du cuivre, du plomb, du nickel, de l'étain et du zinc échangés sur le LME, a atteint mercredi un sommet historique à 5.046,7 points, soit une hausse de plus de 30% sur un an, illustrant l'envolée des cours des métaux industriels.