Mais que faire ? répètent ceux qui, las de discuter sur les incessantes immixtions de la presse française dans les affaires marocaines, voudraient réaliser quelque chose. L'individualisme à outrance de certains procès est devenu un des marqueurs de cet entrisme malvenu. D'où vient cette anomalie qui paraît soustraire au droit commun quelques noms triés au choix ? «Le journal de Le Monde n'est plus le journal de référence, il est devenu l'organe de vigilance», a déclaré l'essayiste, producteur de radio et académicien français Alain Finkielkraut, le 14 décembre lors d'une émission radio. Il ne croyait pas si bien dire. Chez ce quotidien, il y a fréquemment discordance entre les crimes commis en France, et les crimes commis au Maroc et une certaine volonté de retarder la justice, d'obstruer sa route, de chercher à l'intimider. En début de soirée, soit quelques heures avant que le journal commence à être distribué dans les kiosques à journaux, une nouvelle tribune liée à des procès instruits au Maroc avait été mise en ligne sur le site du Monde.fr. Contenu réservé aux abonnés. Un texte rédigé avec le même «code» habituel qui blesse les notions traditionnelles de la justice, qui veut détruire l'idée même du droit, et qui ne rend aucun service au bien-être et à la moralité de la nation marocaine. Conformément à ses routines et à ses notions de justice, la coutume, inflexible, pousse Le Monde à permettre à certains juges autoproclamés de se prononcer sur le bien-fondé de quelques dossiers impliquant des journalistes condamnés pour de graves crimes sexuels. Les signataires de ladite tribune veulent casser des sentences judiciaires sans débats publics, sans plaidoiries, par leur tribunal inique, près duquel les liens ambigus et la complaisance ont facilement accès et qui ne fait souvent que consacrer de petits arrangements tacites. Un des principes fondamentaux de la justice marocaine est l'égalité. Les tribunaux sont communs à tous, sans distinction d'origine ou de profession. À cette règle, il y a une exception pour quelques justiciables, à en croire le texte du Monde. Comment est-il possible qu'un journal en déclin se croie en possession d'avoir son mot à dire sur la validité ou la nullité de procès judiciaires instruits dans un Etat étranger ? Singulière concordance temporelle. Le 15 novembre était publiée dans Le Monde une tribune émanant d'un collectif de 285 femmes réclamant que «cesse l'omerta» et que «soient écartés les auteurs de violences sexuelles et sexistes» de la vie politique. Un mois après, jour pour jour, le quotidien français ouvre ses colonnes à quelques noms qui réclament la libération immédiate de quelques individus condamnés pour des crimes sexuels. Le titre choisi est édifiant à plus d'un titre : «Omar Radi, Soulaimane Raissouni et tous les journalistes emprisonnés au Maroc DOIVENT être libérés». Les concernés, a-t-on écrit, «nient en bloc l'empilement d'accusations portées contre eux» et «leurs dossiers ne semblent apporter aucune preuve de la matérialité des faits qui leur sont reprochés.» La tribune sombre dans la diffamation quand elle prétend que la justice avait négligé des formalités prescrites par la loi, telles que la citation des parties ou l'audition des témoins. Or, la légalité des décisions en première instance ne souffrent d'aucune irrégularité. Les procédures ont été publiques, ouvertes aux débats contradictoires, les prévenus ont été assistés par plusieurs défenseurs. Noms sulfureux Cette tribune est signée par une coterie notoirement antimarocaine : Ignace Dalle, Mounia Bennani-Chraïbi, Gilles Perrault, et étrangement par une certaine Marie-Christine Vergiat, une ancienne eurodéputé qui a demandé en 2019 «l'avis de la Cour de justice sur la compatibilité avec les traités de l'accord sous forme d'échange de lettres envisagé entre l'Union européenne et le Royaume du Maroc sur la modification des protocoles no 1 et no 4 de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Maroc, d'autre part.» Le texte est également signé par Alima Boumédiene-Thiery, obscure ancienne députée européenne d'origine algérienne. Depuis début novembre, la chambre criminelle près la cour d'appel de Casablanca examine les affaires de Omar Radi et Soulaiman Raissouni. La tribune du Monde prend leur défense avec des phrases qui s'apparentent à des injonctions péremptoires : «les concernés doivent se défendre et d'apporter les preuves de leur INNOCENCE», il faut «faire comparaître leurs témoins» et «faire comparaître Omar Radi et Soulaiman Raissouni en liberté provisoire, comme cela est déjà le cas pour Maâti Monjib». Et comme ces diktats ne suffisaient pas, les auteurs du texte dénient au Maroc le droit d'attaquer en justice les médias derrière les allégations de l'affaire Pegasus. Le quotidien Le Monde, décidément, a consacré une nouvelle organisation judiciaire, qui enjoint à des juges indépendants d'instruire certaines affaires portées devant tribunaux selon le désir de quelques petites sectes au lieu d'appliquer le texte de la loi. Depuis le début de ces deux procès; Le Monde empiète sur le domaine de la justice. Plus il étend ses empiétements, plus il ronge et réduit la possibilité d'une instruction sereine. L'extorsion intellectuelle s'étale à nu, et les exactions de ses promoteurs, qui agissent au rebours de toute déontologie, s'accomplit impunément. Ce texte n'est qu'une partie d'un travail qui, pendant longtemps, s'était poursuivi par des voies souterraines et obscures pour perturber le travail de la justice marocaine. Il semble qu'une fois encore notre vieux monde soit secoué sur ses bases, et craint de voir se lever un nouvel ordre de choses où la justice s'applique à tous. Il est remarquable de constater que certaines figures polémiques se portent avec l'ardeur, la mauvaise volonté et la douteuse foi dont elles sont coutumières vers ces affaires. Peut-être que leur premier souci est de se mettre au goût du jour après un long oubli.