Au lieu d'appeler à veiller à ce que la justice soit bien rendue, ou mieux, à ne pas interférer dans la conduite d'une affaire pénale, le journal Le Monde abrite des chroniques fielleuses dont l'objectif est de culpabiliser les institutions marocaines, mais aussi de dissuader le pouvoir juridique de jouer son rôle. Un journal à la dérive qui inverse le système des valeurs. «Patrick Poivre d'Arvor poursuivi dans le cadre d'une enquête pour viols», «Gérard Depardieu mis en examen pour viols et abus sexuels», «Le plasticien Claude Lévêque accusé de viols sur mineurs» : Le journal Le Monde use d'une titraille sans fioritures pour décrire les crimes sexuels commis sur le territoire français. Les articles ne relayent aucune voix qui conteste les faits reprochés à ces noms de la scène artistique et intellectuelle tandis qu'il traite bien légèrement les affaires de justice marocaines. Depuis plusieurs semaines, Le Monde abrite des tribunes défendant Soulaiman Raissouni, accusé de «viol avec violence et séquestration» et Omar Radi qui est, quant à lui, poursuivi dans une double affaire de «viol et d'espionnage» ou encore Maati Monjib, soupçonné de «blanchiment de capitaux» et condamné à un an de prison le 27 janvier pour «fraude» et «atteinte à la sécurité de l'Etat» avant d'être remis en liberté. Selon le quotidien, qui professe, à ce qu'il semble, assez lestement, la commode théorie d'un «procès pour délit d'opinion», les trois individus affrontent des «motifs d'accusations fallacieuses» résultat de «poursuites judiciaires iniques», un constat émis sans se prêter à l'œuvre d'investigation nécessaire et sans vérification. «Ces affaires n'ont incontestablement aucun caractère politique» avaient déclaré les autorités publiques. Le Monde fait des dites affaires une sorte d'enchère publique ouverte au milieu du tumulte des suppositions et des présomptions fantaisistes. Comment se fait-il qu'un journal étranger ait tout l'air de se précipiter sur la justice d'un pays souverain pour lui arracher des décisions relatives à de graves affaires pénales ? Comment se fait-il que ce journal croie avoir la prétention de dicter ou de régler le déroulement de procédures judiciaires en cours ? Ou encore d'autoriser dans ses colonnes des tribunes qui abordent certains dossiers sans y regarder de plus près, sur la foi des «bruits divers qui ont couru !» Rappelons au journal français que laisser la justice accomplir son œuvre est un principe démocratique intangible, que M. Raissouni, (contrairement aux affabulations publiées) est poursuivi après une plainte déposée par un militant de la cause LGBT, lequel conteste vigoureusement «l'instrumentalisation» et la «politisation» de son affaire et appelle à respecter les prérogatives dont la justice a besoin pour accomplir l'œuvre que la loi confie à ses soins, loin de toute injonction. La magistrature marocaine, avec toutes les garanties dont est entourée son indépendance est faite, précisément, pour arracher ces affaires aux influences de la place publique et étrangère, et pour la maintenir dans un milieu plus propre à la manifestation de la vérité. Hafsa Boutahar, elle, n'existe pas pour Le Monde. Elle y est évoquée brièvement comme une femme qui défend avec pugnacité son «droit à la dignité». C'est un fait inédit qu'un journal puisse contester la validité d'une instruction bien conduite, qui entre en campagne contre des victimes de crimes sexuels, ce serait ajouter le ridicule à la violence morale ; un procédé inadmissible destiné à embarrasser l'action de la justice, à intercepter la vérité et à la détourner. Le mal réel, c'est cette anarchie des tribunes dans des supports étrangers qui s'infiltre partout, qui passe des idées dans les faits.