Personne en Algérie ne méconnaît les zones d'ombre du général major Saïd Chengriha, premier à ce poste à ne pas être passé par l'Armée de libération nationale. La libération par l'armée marocaine du poste-frontière de Guerguerat, un axe routier essentiel pour le trafic commercial vers l'Afrique de l'Ouest, a démontré ses véritables intentions envers Rabat. Saïd Chengriha, qui succèdera à Gaïd Salah au poste névralgique de chef d'état-major de l'armée algérienne, en 2019, est «l'artisan de la guerre froide avec le Maroc», note la Deutsche Welle, le service international de diffusion de l'Allemagne, qui a consacré un portrait peu flatteur consacré à celui qui dirige de facto, l'Algérie, et qui a gagné ses galons au sein des unités de l'armée stationnées au cours des années 1970 aux frontières du Maroc. Depuis que Rabat a sécurisé la route jusqu'au poste frontière de Guerguerat où pavoisent désormais des drapeaux marocains, le régime militaire algérien a accentué sa surenchère contre le Maroc. L'opération marocaine destinée à «mettre un terme à la situation de blocage» à Guerguerat imposée par «le Polisario et ses milices» qui menait «des actes de banditisme» au point de «harceler continuellement les observateurs militaires de la Minurso» a été un choc pour le pouvoir algérien, contesté intérieurement. Saïd Chengriha est le premier chef d'état-major de l'armée algérienne à ne pas avoir fait partie de l'Armée de libération nationale (ALN), qui a mené la guerre d'indépendance. Il dirige une armée où les mises à la retraite, les limogeages imprévus et les placements en détention arbitraire sont la routine. Durant la décennie noire, il devient lieutenant-colonel et chef d'état-major de la première division blindée, installée à Bouira, à une centaine de kilomètres environ au sud-est d'Alger. Durant ces années de braise, Saïd Chengriha dirige un poste avancé à Lakhdaria, dans le secteur opérationnel de Bouira, où les crimes les plus abominables ont eu lieu. Devenu colonel, puis général, en 1995, il est nommé à la tête des secteurs opérationnels de Sidi-Bel-Abbès et de l'ouest algérois. Début 2021, ses troupes ont procédé à d'importantes et inédites manœuvres aéroterrestres à Tindouf (sud), province frontalière du Maroc. Cet exercice, baptisé Al-Hazm 2021 («Résolution» 2021), s'est déroulé sous sa supervision et est survenu au moment où l'Algérie assistait, impuissante, aux percées diplomatiques marocaines. Dans son livre Hirak en Algérie: l'invention d'un soulèvement, Omar Benderra écrit sur ce dernier : «En 2004, le général Saïd Chengriha hérite de la IIIe région militaire et restera à ce poste jusqu'à sa nomination comme commandant des forces terrestres en juillet 2018. La promotion de ce dernier, comme celle à de nombreux postes sensibles d'autres officiers ayant gagné leurs galons de criminels de guerre lors de la guerre contre les civils des années 1990, marque un tournant majeur, confirmant au fil des mutations le rôle croissant de ces officiers à la tête de l'armée» avant d'ajouter : «Le climat malsain à la tête de l'Etat avec l'absence d'un président, conjugué au malaise vécu par le peuple qui découvrait abasourdi que les hautes autorités chargées de sa sécurité n'étaient que des bandits et des trafiquants de drogue, pouvait – beaucoup le pressentaient – déboucher sur une révolution.»