Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, a confirmé ce dimanche soir, par voie de communiqué, la résiliation du contrat avec le Maroc qui autorisait le transport de gaz vers l'Espagne via le gazoduc Maghreb-Europe (GME). Cet oléoduc, inauguré il y a 25 ans, relie l'Algérie à la péninsule espagnole et mesure 1400 kilomètres de long, dont 540 kilomètres traversent le territoire marocain. L'année dernière, 6 000 millions de mètres cubes de gaz sont arrivés en Espagne par son intermédiaire. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a «ordonné» dimanche au groupe public Sonatrach de ne pas reconduire le contrat du gazoduc passant par le Maroc et alimentant l'Espagne en gaz. Les livraisons de gaz algérien à l'Espagne se feront désormais exclusivement via le gazoduc sous-marin Medgaz lancé en 2011. C'est une décision coûtante pour l'Algérie, qui sera amenée à augmenter la capacité gazière du gazoduc Medgaz, inauguré il y a dix ans, lequel alimente déjà l'Espagne avec 8 000 millions de mètres cubes et relie directement l'Algérie à Almeria. Les autorités algériennes ont engagé des travaux pour porter sa capacité à 10 milliards de mètres cubes. «Mais, à supposer que les travaux se terminent avant l'arrivée de l'hiver, il y aurait encore 4 000 millions de mètres cubes de gaz pour atteindre l'Espagne. 48 navires de ce que l'on appelle les méthaniers sont nécessaires pour transporter cette quantité sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL). Le prix de ces frets est soumis aux fluctuations d'un marché devenu très compétitif depuis l'année dernière en raison de la forte demande en provenance d'Asie» affirment des sources espagnoles. La présidence algérienne a publié son communiqué peu avant minuit, de dimanche à lundi, date d'expiration du contrat autorisant le transport par gazoduc. Le texte dénonce «des pratiques hostiles du Royaume du Maroc» derrière cette décision mais personne n'est dupe. Le motif sous-jacent derrière l'animosité algérienne a toujours été le Sahara. L'Algérie est le principal allié du Front Polisario. L'Algérie a également annoncé en août qu'elle mettrait fin au contrat du gazoduc et en septembre a fermé son espace aérien à tout vol civil ou militaire en provenance du Maroc. Cette mesure cible en premier lieu le Maroc, un pays qui facture entre 50 et 200 millions d'euros par an de «droits de passage», un chiffre qui dépend de la quantité transportée. Par ailleurs, le contrat avec l'Algérie et l'Espagne a permis au Maroc d'alimenter deux centrales à cycle combiné : Tahaddart (dans la région de Tanger) et Ain Beni Mathar (à Oujda, dans l'est du pays). Tous deux couvrent environ 10 % de la production électrique marocaine et sont gérés par les sociétés espagnoles Endesa. Mais, outre le Maroc, l'autre victime est l'Espagne. La troisième vice-présidente et ministre de la transition écologique, Teresa Ribera, s'est rendue mercredi à Alger pour rencontrer différentes autorités algériennes. Mais Alger a campé sur ses positions. Le gouvernement algérien a affirmé que Madrid sera approvisionné de la même quantité de gaz acheminée via le GME. «Mais ce n'est qu'une fois l'hiver passé qu'il sera possible de savoir si l'Algérie est en mesure de remplir avec solvabilité ce qu'elle a promis de faire» notent des sources espagnoles. Une source espagnole proche des négociations tripartites sur le gazoduc a déclaré : «Nous ferions une erreur si nous pensons que la fermeture du gazoduc est quelque chose que l'Algérie ne commet qu'à l'encontre du Maroc, qui ne concerne que ces deux pays. Car c'est aussi un message pour l'Espagne. Cette mesure nous rend plus vulnérables par rapport à l'Algérie». Les autorités marocaines ont publié tard dans la soirée un communiqué diffusé via l'agence officielle MAP où elles assurent que la décision du gouvernement algérien n'aura qu'un effet «insignifiant» sur le système électrique marocain à court terme. «Les dispositions nécessaires ont été prises pour assurer l'approvisionnement en électricité du pays», indique le texte. Le Maroc pourra désormais soit louer des méthaniers qui acheminent du gaz naturel liquéfié d'autres pays ou d'inverser le flux du gazoduc Maghreb-Europe (GME), pour que le gaz arrive d'Espagne. «Le gouvernement espagnol ne s'est pas prononcé sur cette dernière mesure, qui pourrait peut-être créer une situation inconfortable vis-à-vis de l'Algérie. Et le gouvernement marocain n'a pas dévoilé les alternatives qu'il envisage, même s'il maintient qu'il étudie des options à moyen et long terme» toujours selon des sources espagnoles.