La réminiscence devient moins évidente, plus douloureuse, plus problématique, confuse et délicate entre Paris et Algérie. Les traces de guerre qui hantent les mémoires empoisonnent les souvenirs et durcissent les prises de position. Les relations entre la France et l'Algérie restent, depuis l'indépendance de l'Algérie, difficiles, complexes, tumultueuses. Les polémiques sur le passé, de la conquête coloniale française au XIXe siècle à la guerre d'Algérie des années 1950, ne cessent de rebondir. Dans ces querelles incessantes, les projets d'avenir entre les deux pays en pâtissent. Pour l'essayiste et avocat Gilles-William Goldnadel, «les postures d'Emmanuel Macron donnent le tournis à l'observateur qui s'essaie à la recherche d'une cohérence morale et politique.» Macron a confié à Benjamin Stora, «historien estimable mâtiné de militant engagé, la rédaction d'un rapport circonstancié dont la première qualité n'est pas l'objectivité équilibrée. Celui-ci recommanda notamment de s'incliner devant les victimes algériennes du 17 octobre mais négligea la même recommandation concernant notamment les massacres par des sympathisants du FLN de milliers de chrétiens, de juifs et de musulmans à Oran du 5 au 7 juillet 1962 alors même que le nouvel Etat avait accédé à l'indépendance. Ce drame a d'autant plus marqué la mémoire pied-noir, que l'armée française était restée l'arme au pied et que les familles n'ont jamais reçues d'informations sur le sort de leurs chers disparus». «N'ayons garde d'oublier la visite présidentielle à la famille de Maurice Audin, militant communiste mort probablement sous la torture, mais compagnon d'un FLN qui assassinait des militaires français et aussi des civils. Dans la dernière période, et sur fond d'aigre dispute avec le gouvernement rien moins démocratique d'Alger à propos de visas, le président a été jusqu'à déplorer l'exploitation politique abusive d'une «rente mémorielle» utilisée comme diversion pour faire oublier les échecs d'un jeune Etat aux fondements incertains. Autant dire que ceux qui veulent trouver leur pitance de repentance, comme ceux qui souhaitent s'affranchir d'une mauvaise conscience unilatérale peuvent faire leur marché au magasin macronien» assène l'essayiste dans sa tribune au Figaro, très critique envers le régime algérien. «Reconnaître les exactions françaises sans exiger simultanément les excuses algériennes pour les crimes du FLN contre les Français et les harkis, n'est pas la justice mais la prolongation de la rancœur sans fin», dit Gilles-William Goldnadel «Grâce soit rendue à Guillaume Perrault, qui dans Le Figaro du 15 octobre a su contextualiser avec rigueur cette manifestation réprimée dans le sang. Rappeler le couvre-feu ordonné en raison de la situation insurrectionnelle. Rappeler les attentats du FLN qui poussait son avantage et ceux de l'OAS qui traduisaient sa rage. Rappeler l'impôt forcé révolutionnaire sur les Algériens de France et les milliers de morts de leurs luttes intestines sur le sol français. On est donc à des centaines de lieux d'un massacre spontané. Et quitte à pousser l'introspection sans fard jusqu'au bout, pourquoi dans ce cas, poser le chapeau uniquement sur la tête du préfet Papon, qui a la taille de l'emploi au regard de sa funeste réputation et oublier le képi du général de Gaulle qui n'eut aucun regret ?» a-t-il détaillé. Pour lui, il serait dangereux d'instiller «dans la tête d'une partie de la jeunesse d'origine algérienne vivant en France l'idée monstrueusement fausse que les Français seraient un peuple de tortionnaires qui devraient naturellement expier leurs fautes à l'égard de leurs parents. Inutile de dire que les relations qui d'ores et déjà existent entre communautés n'avaient pas besoin de ce surcroît de munitions explosives» avant de conclure que «la base de la relation humaine est la réciprocité. Elle est inhérente à l'instinct naturel de justice. Mettons donc fin aux expédients qui président à la vertigineuse simultanéité et exigeons donc la juste et nécessaire réciprocité.»