Le Maroc a dénoncé, le 6 mai, l'«activisme antagonique» de Berlin après la reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur le territoire du Sahara et sa complaisance à l'égard d'un ex-terroriste. Toutefois, d'autres éléments du puzzle se mettent en place avec netteté : la persistance des divergences et arrière-pensées franco-allemandes par rapport au Maroc et un racket économique en règle. Les commentaires n'ont pas manqué sur ce qu'on voyait ou ce qu'on croyait deviner, sur la tension croissante des rapports entre le Maroc et l'Allemagne. Rabat a annoncé, jeudi 6 mai, le rappel de son ambassadrice à Berlin pour consultations, en dénonçant dans un communiqué officiel les «actes hostiles» de l'Allemagne, notamment sur le dossier du Sahara. «La République fédérale d'Allemagne a multiplié les actes hostiles et les actions attentatoires à l'égard des intérêts supérieurs du royaume», affirme le communiqué publié par le ministère des affaires étrangères. Le texte dénonce notamment l'«activisme antagonique» de Berlin après la reconnaissance américaine de la souveraineté du Maroc sur son territoire du Sahara. En toile de fond de ces évolutions, la rivalité économique franco-allemande. Paris, en effet, garde une attitude d'observation bienveillante, mais si peu caractérisée par des actes, à l'égard des intérêts marocains sur la question du Sahara, alors que Berlin, comparant la France plus volontiers à cet oiseau qui se plaît à pondre dans le nid du voisin, s'estime lésée sur le marché national. L'Allemagne a vu d'un mauvais œil la victoire du constructeur ferroviaire Alstom, qui a annoncé en novembre 2020 avoir remporté un contrat de près 130 millions d'euros pour fournir 66 tramways supplémentaires à Casablanca. Ce contrat est destiné aux futures lignes 3 et 4 de la métropole, qui doivent ouvrir fin 2023, et qui comprend une option pour 22 trams supplémentaires. Alstom a déjà fourni 124 tramways pour les deux premières lignes du réseau de Casablanca, lancé en 2012. Le groupe a également livré au Maroc 66 trams à la capitale Rabat et 12 trains à grande vitesse pour la ligne Casablanca-Tanger. Pour Berlin, les principes de bonne gouvernance tels que la concurrence loyale et l'égalité de traitement n'ont pas été respectés dans le cadre de ces annonces et estime que les soumissionnaires internationaux allemands ont difficilement accès aux marchés publics marocains. Il faut chercher la principale cause de l'animosité allemande à l'égard du Maroc dans le ressentiment singulier qu'éprouve le cabinet de Merkel au sujet de l'entrisme français au Maroc. Aujourd'hui, ni les combinaisons à peine tacites de Berlin, ni les attaques ardentes de sa presse à l'égard du Maroc, ne sauraient dissimuler un parti-pris contre les intérêts suprêmes nationaux. Après ces mécomptes, Berlin a décidé de tourner son regard vers les énergies renouvelables, un des chantiers les plus essentiels du Maroc. Cible : le parc de Ouarzazate, qui jouira d'une capacité de 560 mégawatts. Pour ce projet, le Maroc est appuyé de bailleurs de fonds tels que la banque publique allemande Kfw (650 millions d'euros). Berlin, qui ne voudrait pas aujourd'hui abandonner un pouce de terrain dans le cadre de ses visées au Maroc, essuie un revers inattendu : Desertec, un projet éco-énergétique de grande envergure, est dans le viseur de Berlin. l'électricien allemand RWE devait lancer au Maroc un projet éolien et photovoltaïque de 100 mégawatts et lancer les bases d'une centrale thermo-solaire de 150 mégawatts. Coût de l'opération : environ 150 millions d'euros. Une partie de la production devait être exportée en Europe, via l'Espagne. Mais à la dernière minute, le représentant espagnol a décidé de réserver sa signature. Officiellement pour des raisons techniques. Véritable chantage, fait d'exigences impérieuses et d'injonctions, que les autorités allemandes essaient d'exercer sur les pouvoirs publics marocains. Le procédé d'aujourd'hui est brutal et de mauvaise facture dans la forme et dans le fond, comme un avant-goût de ce qui viendra plus tard, si la diplomatie marocaine ne réagit pas avec fermeté. Alors que l'Allemagne a fait retentir aux oreilles de Rabat les mêmes paroles sonores, mais creuses, sur la solidité des relations bilatérales, elle continue d'être complice «à l'égard d'un ex-condamné pour des actes terroristes, notamment en lui ayant divulgué des renseignements sensibles communiqués par les services de sécurité marocains» pour reprendre les mots des affaires étrangères marocaines. Une complicité qui s'est faite jusqu'ici avec gaucherie et maladresse. Il est déplorable de voir que la France garde aujourd'hui une exacte neutralité au sujet du Sahara, en dépit des ouvertures et des voix qui appellent Paris à un engagement beaucoup plus net, loin de se lancer dans des théories à perte de vue sur l'avenir. Les dispositions de bienveillance et de courtoisie ne suffisent plus, à un moment où les cours de l'Occident appuient les efforts du Maroc pour régler le dossier de Sahara. Cette crise a cela de particulier, en effet, qu'elle a été certainement imprévue et qu'elle a dévoilé tout à coup l'incohérence des positions officielles allemandes à l'égard du Maroc et la confusion de sa diplomatie dans l'impétueux échiquier de la politique étrangère. Pire, l'Allemagne n'a trouvé mieux que d'imiter la France pour faire plier le Maroc: le chantage en mobilisant ses médias publics pour casser du Maroc et fabriquer des opposants marocains pour donner du crédit à sa campagne. Pour l'instant, elle a trouvé son Abou Bakr Jamaï en la personne de l'ex terroriste Mohamed Hajib. Une pâle copie, reconnaissons-le, faute de mieux, en attendant de recruter parmi la cinquième colonne formée par les Maati Mounjib, Fouad Abdelmoumni, Khadija Ryadi et compagnie trop attirés par l'euro comme les mouches le sont par la m… Le Maroc payerait ainsi son amitié et son alignement sur la France, une France qui, pourtant, est loin d'être reconnaissante.