La recomposition du paysage géopolitique mondial sur fond de la crise liée à la Covid-19 a été au centre de la 8e session de la Conférence Atlantic Dialogues, "AD Talks", organisée par le Policy Center for the New South (PCNS) sous le titre "Coopération globale pour résoudre des crises globales". Le débat tenu par visioconférence et modéré par Ian Lesser, vice-président et directeur exécutif du German, a notamment évoqué la question du multilatéralisme et de l'état des institutions existantes face à une crise globale. Intervenant à cette occasion, Bronwyn Bruton, directrice des programmes et études à l'Atlantic Council, a indiqué que les Etats-Unis allaient "renouer avec le monde", mais qu'il leur sera difficile de jouer un rôle global, notamment en Afrique, en raison de l'énergie à déployer en interne pour lutter contre le nouveau coronavirus. Elle a en outre relevé que la recomposition de l'ordre mondial devra compter avec le retour des Etats-Unis dans les institutions multilatérales, dans un contexte qui change, soulignant que "pendant trop longtemps, les nations européennes et africaines se sont appuyées sur les Etats-Unis, qui ne sont plus intéressés sous certains aspects à assumer leur ancien rôle". "Avec le changement climatique, il faudra trouver un moyen de voir les pays en développement disposer d'une plus grande place à la table de négociation", a-t-elle préconisé, ajoutant que "si nous voulons que les pays africains adhèrent aux mesures à prendre, il faudra qu'ils soient au volant". "Il y a une crise de confiance dans l'idée d'un leadership européen et américain. Les idées de la démocratie et du marché libre ont été écornées. Nous avons besoin de repenser le monde de manière radicale avec plus d'acteurs", a estimé Mme Bruton. De son côté, le vice-président et directeur exécutif de l'Institut italien pour les études politiques internationales (ISPI), Paolo Magri, a noté que la Covid-19 a eu un effet profond : la pauvreté a décliné pendant trois décennies pour revenir en hausse sur les derniers mois. Pointant le risque de voir se multiplier les institutions comme le G7 et le G20, considéré comme trop étroit ou trop large pour trouver un terrain commun, M. Magri a reconnu le besoin clair de revigorer le multilatéralisme. Il a également soutenu que le G20 est devenu une sorte d'assemblée générale bis des Nations unies, traitant de tous les problèmes du monde, même ceux sur lesquels il ne dispose d'aucun pouvoir de décision – comme les inégalités, qui relèvent de politiques intérieures, insistant sur la nécessité d'essayer d'identifier quatre ou cinq priorités, pour lesquelles le G20 peut faire une différence. D'autre part, Zhou Yuyuan, Senior Fellow du Shanghai Institutes for International Studies, interrogé sur la volonté de puissance de la Chine, a répondu que "le monde actuel se trouve sans un grand pays leader", et connait une montée de la coopération régionale et de l'autonomie, faute de coopération globale. "Avec la crise Covid, les pays savent qu'ils doivent compter sur eux-mêmes pour les chaînes d'approvisionnement, et des pays comme les Etats-Unis et le Japon encouragent les efforts industriels", a-t-il ajouté. M. Yuyan a également décrit la Chine comme "plus ouverte au monde qu'auparavant", notant qu'un multilatéralisme "nouveau et flexible" se trouve en essor, de même qu'une "dynamique régionale".