Intégrer les jeunes sur le marché du travail et préserver l'emploi, malgré une conjoncture hautement délicate et peu propice au recrutement. C'est l'une des équations qu'on s'évertue, de par le monde, à résoudre. Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), l'équivalent de 495 millions d'emplois à temps plein aurait été perdu uniquement au deuxième trimestre de 2020. Énorme, mais Covid oblige ! Au Maroc, relever le défi de l'emploi devient de plus en plus important. L'ensemble des acteurs concernés se sont mobilisés pour faire face aux effets dévastateurs de cette crise sans précédent sur l'emploi, encore plus dans un rude contexte de sécheresse. De ce fait, et dans le cadre des mesures prises comme riposte au Covid, il a été signé en août de cette année un pacte pour la relance économique et l'emploi engageant aussi bien l'Etat que le secteur privé. Ce Pacte qui comprend des mesures transverses tenant compte des spécificités de chaque secteur, promet de redynamiser la machine économique, tout en maintenant une grande partie des emplois, mais également d'œuvrer de manière à en créer d'autres. Faut-il souligner que le chômage a connu, selon des données du Haut-Commissariat au Plan, un fort rebond entre les mois d'avril et septembre. Au troisième trimestre, l'on observe, en glissement annuel, une perte de 581 mille emplois et une hausse de 3,3 points du taux de chômage à 12,7% au niveau national. Ce taux est passé de 12,7% à 16,5% dans les villes et de 40% à 46,7% pour les jeunes citadins de 15 à 24 ans. Au titre de l'année prochaine, le Maroc parie sur la création notamment de 20 956 postes budgétaires, répartis entre les départements ministériels et institutions. Le Projet de loi de finances (PLF) 2021 prévoit, en outre, de créer 17 000 postes au profit des académies régionales de l'éducation et de la formation. Dans la foulée, le PLF-2021 a annoncé la création d'une nouvelle mesure phare qui serait de nature à encourager les embauches, en CDI, des jeunes actifs pour leur premier emploi. Cette nouvelle mesure consiste en l'exonération de l'IR pendant trois ans. Abdelghani Youmni, économiste et spécialiste des politiques publiques, qualifie de "salutaire" cette décision qui préconise, argue-t-il, de "lever le plus possible les freins fiscaux et réglementaires qui entravent le développement des entreprises et la création d'emploi". Cependant, poursuit l'expert, le problème est que souvent les résultats en termes de création d'emplois et de croissance économique d'une telle politique "ne s'observent qu'à moyen et long terme". Mais, que faut-il faire alors pour réussir cette mesure pro-emploi ? "La priorité essentielle, me semble-t-il, est de travailler simultanément à l'encouragement de l'entreprenariat productive car l'épée de Damoclès qui pèse sur notre économie n'est pas seulement le coût du travail ou le niveau élevé de l'impôt sur les sociétés mais c'est essentiellement la nature de l'ADN de l'entrepreneur marocain", répond M. Youmni. A cet égard, il relève que les besoins en ressources humaines et de qualité dans la majorité des secteurs en lien avec la consommation publique restent énormes, mais l'Etat, poursuit-il, "ne doit pas s'enfoncer ni dans les déficits ni dans les dettes". Autre constat soulevé par notre interlocuteur est que l'emploi au Maroc reste tiré par la pluviométrie, et la croissance demeure ancrée au secteur primaire et "c'est cette dépendance qu'il faudra défaire progressivement tout en créant les conditions d'une source de valeurs ajoutées agro-écologiques, agroalimentaires et halieutiques", recommande-t-il. Dans ce sillage, M. Youmni jette la lumière sur "l'ingénieuse" idée de l'industrialisation par substitution aux importations dans les 12 régions du Royaume qui pourra remplacer plus de 34 milliards de dirhams de produits importés, par une production similaire et locale. D'après l'économiste, l'accélération de ce processus sera à même de créer, à court terme, des emplois et des niches de croissance. Pour conclure, l'économiste n'a pas manqué de souligner que le Maroc qui oeuvre pour le parachèvement des infrastructures routières, ferroviaires, maritimes et numériques, fait aujourd'hui un plaidoyer pour un "contrat social du siècle" afin de mettre en place une protection sociale universelle généralisée et non discriminante. C'est un véritable défi qui doit se conjuguer à un big-bang dans la machine économique du pays et l'enjeu de promotion de l'emploi, et se construire en pyramide du développement économique et social autour d'au moins quatre piliers : productivité, compétitivité, souveraineté alimentaire et industrialisation, estime M. Youmni.