La commission des finances à la Chambre des représentants a tenu, ce lundi, une réunion consacrée à l'état d'avancement de l'exécution des six premiers mois du budget 2020 et à la présentation du cadre général d'élaboration du projet de loi de finances 2021 par le ministre de l'Économie, des Finances et de la Réforme de l'administration. Au début de son exposé, Mohamed Benchaâboun a souligné l'évolution de la situation économique générale, tout en mettant en exergue les principaux indicateurs économiques nationaux. S'agissant de l'économie marocaine, elle devrait se contracter de 5,8% (au lieu du taux de -5% avancé par le ministre lui-même fin juillet) sous l'effet de la pandémie du nouveau coronavirus et de la sécheresse. Dans ce cadre, l'argentier du Royaume a rappelé que la Loi de finances pour l'année 2020 tablait sur un taux de croissance de +3,7% et un déficit budgétaire prévisionnel de 3,5% du PIB. A ce titre, le Maroc va perdre 100 MMDH de PIB (ce qui se traduit par la perte de 1 MMDH pour chaque jour de confinement). * * * Le ministre a indiqué que la majorité des secteurs liés aux chaînes de valeur mondiales ont enregistré un recul [-50% de valeur ajoutée pour le tourisme (au lieu de -20%) , -12% pour le secteur du transport, (au lieu de -9,6%), -9,1% pour le commerce (au lieu de -8%)]. En ce qui concerne le financement de l'économie, M. Benchaâboun a fait part d'une accélération des crédits bancaires due à une augmentation des crédits aux sociétés non financières privées en rapport notamment avec le recours des entreprises affectées par la crise aux ressources de financement (progression de 4% par rapport à l'année dernière). Quant à l'évolution des taux débiteurs, le taux moyen pondéré global a poursuivi sa tendance baissière au deuxième trimestre 2020, enregistrant un repli, en glissement trimestriel, de 29 points de base pour se situer à 4,58%. Le besoin de liquidité des banques a, dans ce cadre, poursuivi son creusement. De ce fait, Bank Al-Maghrib a augmenté le volume de ses opérations d'injection de liquidité. Le marché de travail, principal pourvoyeur des revenus des ménages, a été sévèrement touché par les retombées négatives de la crise. Il a connu une perte de 589.000 postes, dont 520.000 postes situés en milieu rural et 69.000 postes en milieu urbain, contre une création annuelle moyenne de 64.000 postes au cours des trois dernières années, comme le souligne la récente note de conjoncture de la DEPF. Dans ce contexte, le ministre a noté qu'en moyenne, 10.000 postes d'emplois ont été perdus par jour lors du confinement. Dans ces conditions, le taux de chômage a atteint durant le deuxième trimestre 2020 un pic historique, depuis 2004, de 12,3%, en augmentation de 4,2 points par rapport à l'année précédente. Un pourcentage qui pourrait malheureusement atteindre 13% à la fin de cette année. Par rapport à l'exécution de la Loi de Finances 2020 lors des six premiers mois, l'argentier du Maroc a été indiqué que l'évolution des dépenses et des recettes ordinaires s'est traduite par un solde ordinaire négatif de près de 16 MMDH à fin août, contre 12,9 MMDH à fin juillet, traduisant une accélération du rythme d'exécution des dépenses ordinaires par rapport à celui des recettes. Quant aux recettes, leur rythme d'exécution est moins soutenu que celui des dépenses. En effet, comparativement aux prévisions de la loi de Finances rectificative 2020, le taux de réalisation des recettes ordinaires s'est situé à 64,3%. Par rapport à la même période de l'année 2019, ces recettes ont enregistré une baisse de 13,8 MMDH, dont 11,5 MMDH au titre des recettes fiscales et 2,3 MMDH au titre des recettes non fiscales. Concernant les recettes fiscales, leur taux de réalisation s'élève à 68,2%. Suite à cette cela, l'Etat devrait perdre 40 MMDH de recettes. S'agissant des dépenses d'investissement, elles ont atteint 39,9 MMDH, correspondant à un taux de réalisation de 56,4% par rapport aux prévisions de la LFR et à une baisse de près de 2 MMDH (-4,7%) comparée à la même période de 2019. Les recettes au titre de la TVA globale ont affiché un taux de réalisation de 72,1% et une baisse de 9,2% (-3,7 MMDH). Les taxes intérieures de consommation ont enregistré un taux de réalisation de 61,9% et une baisse de 12,8% (-2,5 MMDH) par rapport à la même période de 2019. Les droits d'enregistrement et de timbre ont enregistré un taux de réalisation de 70% et une baisse de 21,3% (-2,4 MMDH). Concernant les droits de douane, ils ont enregistré un taux de réalisation de 73,5% et une baisse de 6,6% (-409 MDH). Les dépenses ordinaires ont enregistré un taux d'exécution de 67% à fin août 2020 par rapport aux prévisions de la LFR, et se sont inscrites en hausse de près de 8,7 MMDH (+5,8%) par rapport à la même période de l'année 2019. Les recettes de TVA ont poursuivi leur amélioration avec des réalisations de 5 MMDH après 4,7 MMDH en juillet. Le déficit budgétaire qui s‘en dégage s'est ainsi établi à 46,5 MMDH contre 30,7 MMDH un an auparavant, soit une hausse de 15,8 MMDH. Si l'on exclut l'excédent enregistré par le Fonds spécial de gestion de la pandémie de Covid-19, le déficit s'élève à près de 55,5 MMDH, en aggravation de près de 24,8 MMDH par rapport à la même période de l'année 2019. Les enjeux futurs liés à la Loi de Finances 2021 ont été également évoqués dans la présentation. Avant de les aborder, le ministre a rappelé le plan de relance économique annoncé par le Roi dans le discours du Trône. Trois grandes mesures sont à retenir : l'injection de 120 MMDH dans l'économie du royaume (cela représente 11% du produit intérieur brut du pays), la généralisation de la couverture sociale au cours des cinq prochaines années et la réforme de l'administration publique. Des points qui seront pris en compte lors de l'élaboration de la LF-2021. Le ministre a rappelé que le Pacte pour la relance économique et l'emploi et le Contrat-programme pour la relance du secteur touristique en phase post Covid19 ont été conclus afin de relancer la dynamique économique du pays de manière générale et à accompagner les secteurs fortement perturbés par la crise liée au Covid-19 à travers des mesures plus spécifiques, à commencer par le tourisme. M. Benchaâboun a signalé que d'autres conventions seront signées prochainement avec les représentants des secteurs économiques qui ont également été lourdement secoués par la crise épidémique. Il a aussi rappelé que dans une circulaire adressée aux ministres en date 10 septembre, le Chef du gouvernement a appelé à l'activation de la préférence nationale et l'encouragement des produits marocains dans le cadre de la commande publique. En outre, il a indiqué que les crédits de relance garantis par la CCG ont connu un gros succès auprès des entreprises. Les mesures de sauvetage pour la Royal Air Maroc ont été également évoqués par le ministre qui a noté que la compagnie aérienne nationale bénéficiera cette année d'un soutien financier de l'Etat de l'ordre de 700 MDH et de 1,7 MMDH l'année prochaine. L'enjeu étant de renforcer la résilience d'une activité mise à mal par le Covid-19. La loi de finances 2021 apportera de nouveaux financements pour les secteurs de la santé (+5 500 postes, budget d'équipement : + 700 MDH, budget des dépenses : + 850 MDH) et de l'enseignement (+17 000 postes, budget d'équipement : + 3 MMDH, budget des dépenses : + 500 MDH), soit un total de 5 MMDH. S'agissant des dépenses qui ne peuvent pas connaitre de coupures budgétaires, le ministre cite la masse salariale (+8,85 MMDH, dialogue social et promotions des fonctionnaires), le coût de l'organisation des élections (+ 1,5 MMDH), Caisse de compensation (+ 2 MMDH), régionalisation avancée (+1,6 MMDH), soit un total de 13,6 MMDH de dépenses supplémentaires au titre du budget du PLF 2021. * * * La révision du cadre juridique des dispositions de la loi n° 65-00, portant Code de la couverture médicale de base, l'amélioration de l'offre de soins au Maroc, la mise en œuvre du Registre social unifié (RSU), le lancement de la réforme globale du régime des retraites ainsi que les engagements liés aux échéances relatives à la Caisse de compensation ont également été cités par le ministre, soit un total de 33,3 MMDH de dépenses supplémentaires au titre du budget du PLF 2021. A ce titre, le ministre prévoit un repli des recettes fiscales à cause de la récession économique de 20 à 25 MMDH. Dans un climat social très lourd, marqué par un chômage galopant et des secteurs à la traîne, le budget annoncé vise à redresser les comptes publics du pays, plongé dans la récession depuis l'éclatement de la crise sanitaire. Une politique de la rigueur à outrance très contestée par les économistes, perçue comme un empêchement de la reprise et dénoncée pour ses retombées à long terme.