Les déclarations du chef de l'Etat défendant le droit à la caricature au nom de la liberté d'expression, après la décapitation par un islamiste de l'enseignant Samuel Paty, ont provoqué des défilés de grande ampleur dans les rues de Dacca. C'est la troisième – et la plus importante à ce jour – des manifestations d'ampleur organisées contre la France depuis une semaine au Bangladesh. Lundi 2 novembre, au moins 50 000 personnes ont défilé dans les rues de la capitale, Dacca, à l'appel de l'un des principaux groupes radicaux islamistes du pays, Hefazat-e-Islam, selon la police. Les manifestants, partis de la mosquée Baitul Mukarram – la plus grande du pays, qui compte 168 millions d'habitants, majoritairement musulmans –, scandaient des slogans comme «non à la diffamation du prophète Mohammed», «boycott des marchandises françaises» ou «les croyants sont frères, Macron tu es en danger». Certains d'entre eux portaient un cercueil factice du président français, dont ils ont brûlé une effigie. Ils protestent contre des déclarations de M. Macron défendant le droit à la caricature au nom de la liberté d'expression, après la décapitation le 16 octobre par un islamiste d'un enseignant français, Samuel Paty. Ce dernier avait montré à ses élèves des caricatures du prophète de l'islam, religion qui, dans son interprétation la plus stricte, interdit toute représentation de Mohammed. Le Bangladesh possède un gouvernement officiellement laïque, qui a jusqu'à présent gardé le silence sur ces manifestations. Cela n'a pas empêché Junaid Babunagari, chef adjoint du Hefazat-e-Islam, de demander à la première ministre Sheikh Hasina d'inciter le Parlement à condamner M. Macron. «J'appelle les commerçants à jeter les produits français. Je demande aux Nations unies de prendre de sévères mesures contre la France», a-t-il ajouté. D'autres responsables du Hefazat-e-Islam ont réclamé à M. Macron des excuses envers les musulmans. Les manifestants ont brûlé une effigie d'Emmanuel Macron, afin de marquer leur opposition à ses commentaires sur les caricatures du prophète Mohammed, à Dacca, le 2 novembre. MOHAMMAD PONIR HOSSAIN / REUTERS Depuis la première publication des caricatures de Mohammed il y a quinze ans par le quotidien danois Jyllands-Posten, le sujet provoque régulièrement des manifestations de masse au Bangladesh où les groupes islamistes, dont le Hefazat, réclament une loi condamnant le blasphème de peines allant jusqu'à la mort. En 2013, des dizaines de milliers de partisans du Hefazat-e-Islam avaient manifesté à Dacca pour exiger l'exécution des blogueurs athées et l'adoption de lois antiblasphème. Une cinquantaine de personnes avaient été tuées dans des affrontements avec la police, un des pires épisodes de violence politique de l'histoire du pays. Entre 2013 et 2016, le Bangladesh a connu une vague de meurtres de militants et blogueurs laïques. En juillet 2016, un attentat islamiste contre un café de Dacca a fait 22 morts dont 18 étrangers. En 2018, Dacca s'est doté d'une législation controversée sur le numérique permettant des poursuites pour avoir blessé les sentiments religieux de la population. Ces derniers jours, des manifestations antifrançaises ont également eu lieu dans plusieurs pays musulmans. En Indonésie, quelque 3 000 personnes ont manifesté lundi devant l'ambassade de France à Djakarta selon la police.