Plusieurs dizaines de milliers de musulmans, en colère contre la publication des caricatures du prophète, ont encore manifesté, en Asie, en Afrique, en Europe et au Moyen-Orient, même si les appels à l'apaisement ont semblé faire baisser un peu la tension. Les mêmes scènes se sont encore produites vendredi de New Delhi à Nairobi, du Caire à Dacca, de la ville nigériane de Kano aux principales villes turques: drapeaux danois brûlés, slogans hostiles au Premier ministre danois Anders Fogh Rasmussen, parfois également au président américain George W. Bush. Aucun incident sérieux n'a cependant été rapporté au cours de ces défilés. C'est en Asie du Sud qu'ont eu lieu les manifestations les plus massives. A Dacca, capitale du Bangladesh, le troisième plus grand pays musulman du monde, près de 20.000 personnes sont descendues dans la rue, selon la police, peu après que leur gouvernement eut condamné les dessins satiriques et demandé des "excuses". Elles ont commencé à défiler vers l'ambassade du Danemark à la sortie de la mosquée Baitul Mukarram après la prière du vendredi. Elles brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "La liberté d'expression symbolise la guerre contre l'islam" et scandaient "A bas le Danemark" En Inde, à New Delhi, des milliers de manifestants - 3.000 selon la police, 15.000 selon les organisateurs - ont protesté à la sortie de la mosquée Jama Masjid, la plus grande d'Inde. Au Pakistan, à Islamabad, quelque 4.000 manifestants ont brûlé des drapeaux danois et américains. De nouveaux signes d'apaisement sont cependant venus d'Europe, où plusieurs journaux ont publié depuis deux semaines les douze caricatures du prophète Mahomet, initialement parues dans le quotidien danois conservateur Jyllands-Posten et jugées insultantes par les foules musulmanes. Le rédacteur en chef du magazine chrétien norvégien Magazinet, Vebjoern Selbekk, a répété vendredi qu'il "regrettait vivement" l'offense faite aux musulmans, indignés par les caricatures du prophète Mahomet, sans toutefois s'excuser pour la publication elle-même. Magazinet avait été la première publication à suivre le Jyllands-Posten, en reproduisant le 10 janvier les douze dessins. Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit, a de son côté adressé une lettre au secrétaire général de l'Onu Kofi Annan, lui demandant d'intervenir pour "apaiser les sentiments des musulmans". Quelques manifestations ont eu lieu vendredi en Europe de l'Ouest, et d'autres sont prévues pendant le week-end. A Bruxelles, une centaine de personnes se sont rassemblées vendredi. En Turquie, plusieurs milliers de manifestants ont déferlé dans les rues de plusieurs villes. A Istanbul, quelque 2.500 protestataires se sont rassemblés devant la mosquée Beyazit sous une forte surveillance policière. "L'armée (du prophète) Mohammed est la terreur des infidèles! Nous tuerons les "salauds"de croisés", hurlaient des manifestants. Des drapeaux danois et britannique ont été enflammés ainsi qu'une effigie d'Anders Fogh Rasmussen. Les protestations contre les caricatures ont aussi gagné l'Afrique vendredi. Des milliers de musulmans du nord du Nigeria ont ainsi manifesté dans la grande métropole de Kano. "La liberté d'expression ne signifie pas la liberté d'insulter les musulmans", pouvait-on lire sur une de leurs pancartes. A Nairobi, où plusieurs milliers de musulmans étaient aussi rassemblés, la police a tiré des gaz lacrymogènes sur un groupe d'environ 300 manifestants qui jetaient des pierres et voulaient se rendre à l'ambassade du Danemark. Dans le monde arabe, des centaines d'Egyptiens ont brûlé des drapeaux danois au Caire et accusé le président Hosni Moubarak de garder le silence sur les caricatures du prophète Mahomet. A Amman, près de 2.000 personnes ont manifesté à l'appel du Front de l'action islamique, la branche politique des Frères musulmans dans le royaume hachémite. D'autres rassemblements ont été signalés à Rabat, Kaboul, dans plusieurs villes indonésiennes, et à Kuala Lumpur, où les manifestants étaient entre 2.000 et 3.000.