Une pétition critiquant «la régression de la liberté d'expression des opposants au Maroc (sic !) circule sur les réseaux sociaux». Ses auteurs sont inconnus, ses motivations, obscures, ses relais douteux et plusieurs des signataires s'en sont désolidarisés. Après la scandale du manifeste «Contre l'instrumentalisation des combats féministes» une autre pétition, lancée elle aussi par des anonymes, fait parler d'elle. Des inconnus, réduits à invoquer contre le Maroc le secours de la fantaisie ; les arguments de la discussion absents, un document signé par des pseudo-artistes qui se sont fait connaître par leurs errements au lieu de luire par de bons travaux. Il restera dans nos annales, une aventure semi-sérieuse, semi-comique, qui gardera le nom de pétition des dupes. Une puérile mystification organisée par l'étourderie, propagée par des gens sans conscience. Selon nos sources, le manifeste diffusé ne répond plus aujourd'hui à la pensée de la majorité de ceux qui l'ont signé et qui n'étaient d'accord que pour appeler à améliorer la vie culturelle au Maroc. Sur tout le reste, un morceau de politique captieux, artificieux, lequel a poussé plusieurs noms à rompre avec la nébuleuse derrière cette démarche, devant laquelle ils commencent à ne plus trouver grâce. Le procédé est pour le moins tendancieux : on se plaît à émouvoir au récit d'événements inventés, on passe le temps à monter les esprits, on se donne des rendez-vous, on enhardit les tièdes et les prudents qui hésitent. Cette force d'expansion calomnieuse si longtemps comprimée se déchaîne et va jusqu'à la confusion. C'est une émulation véritable d'emportements, de mensonges, d'invectives, de déclamations creuses, d'excitations envenimées. Des individus malveillants qui n'ont à mettre que des exhumations surannées, des déclarations inventées, des invectives vieillies et des ressentiments jaloux dans leurs textes ou dans leurs polémiques. Cette fois, c'est une pétition dont la majorité des signataires «ne sont pas à proprement parler des artistes, mais se comptent parmi les rangs des pigistes, d'amis des artistes et de personnes qui nourrissent le projet de devenir artistes» écrit notre confrère Le360. «Plusieurs centaines de personnalités marocaines ont signé un manifeste contre la répression policière et la diffamation (sic!) des opposants qui, selon eux, s'accentuent dans leur pays. Sous le titre «Cette ombre est là», le texte pointe «plusieurs cas d'emprisonnement politique et de harcèlement, parmi lesquels l'arrestation des journalistes Omar Radi et Hajar Raissouni, ainsi que les répressions subies par des mouvements sociaux» déclame le Figaro qui relayé le texte sans même l'examiner. Deux textes, confiance trompée, et étonnement Puis, le scandale éclata, n'épargnant personne. Un des signataires, Hicham Daoudi, promoteur artistique propriétaire d'une maison de vente aux enchères et d'un espace d'art contemporain marocain, dévoile le pot aux roses. Sur Facebook, il raconte, amer, la plus grande mésaventure de sa vie : «Il y a quelque semaines, j'ai été contacté par un ami du monde de la culture que j'admire beaucoup pour signer avec lui une pétition appelant à former une communauté pour défendre de nombreux points liés aux libertés (...) Lorsque mon nom est apparu sur un premier support électronique francophone et que j'ai lu le chapeau de l'article, c'était l'alerte que les choses ne correspondaient pas à mes opinions et j'ai demandé au journal électronique de supprimer mon nom car je n'adhérais pas au texte global qui s'étendait sur plusieurs autres volets liés à la politique, la justice, et autres institutions nationales que je n'avais pas lu.» M. Daoudi développe : «Ne voulant plus figuré dans cette pétition j'ai demandé très tôt aux auteurs le retrait de mon nom de la liste des "400 acteurs de la culture" qui s'étaient mobilisés et j'avais décidé de clôturer mon compte Facebook car j'étais profondément furieux envers moi même d'avoir été léger, et de ne pas avoir mesuré à sa juste valeur l'interprétation aussi banale d'adhérer à une telle pétition qui affirmait de façon ferme "des injustices". Plus tard d'autres personnes ont souhaité agir comme moi en demandant à sortir de cette pétition lorsqu'il leur a été demandé d'outrepasser le cadre du débat d'idées pour mener des actions dans l'espace public. les mêmes acteurs culturels ou artistes ont mal vécu ensuite que leurs noms ou le nombre d'acteurs réunis soit une forme de trophées servant à ouvrir les portes des médias internationaux pour aborder la situation sociale et politique au Maroc.» M. Daoudi, qui s'estime avoir été trompé, raconte que l'article du Figaro «[l']a rendu malade car il démarrait d'emblée avec cette pétition comme préambule pour annoncer l'apocalypse au Maroc et au Maghreb. Là j'ai eu un sentiment amer d'avoir été berné.» Que promet-on à ces remueurs toujours prompts à s'alarmer ? L'agitation en permanence, le changement le plus tôt qu'on pourra ; alors que dans la réalité, les esprits finissent par s'aigrir et s'irriter. Il est intéressant de constater que des artistes connus, qui vivent d'un travail sérieux, d'une industrie honnêtement exercée, en venaient à se dire avec désespoir que cette pétition était une pure tromperie. C'est l'histoire de quelques énergumènes tiennent à se rebeller derrière leurs écrans numériques en se couvrant du nom du peuple, et c'est ainsi qu'ils croient servir la cause du Maroc démocratique, en se servant de la liberté de dire contre la liberté elle-même, en altérant l'esprit public par des habitudes de polémiques injurieuses qui sont vouées à se surpasser chaque jour pour retenir l'attention. Moi, censuré ? Jamais ! Hicham Daoudi, conscient qu'il faut sortir de cette atmosphère d'excitations factices où tout est confondu, et qu'il faut préciser les situations, pour placer à leur vrai rang les forces de l'opinion, confesse : «À titre personnel je n'ai jamais subi de censure, et j'ai même été défendu à un moment par les autorités lors de violentes polémiques obscurantistes qui menaçaient la seconde édition de Marrakech Art Fair 2 en 2011. Je n'ai peut-être jamais bénéficié de subventions pour mes projets mais de nombreuses institutions ont fait confiance à mon travail au Maroc d'abord avant ensuite de collaborer avec d'autres plus célèbres à l'étranger.» «Comme moi, développe M. Daoudi, beaucoup d'artistes ou d'acteurs culturels ont pu à un moment de leur carrière bénéficier de l'appui moral, ou matériel de l'Etat. Il serait indigne pour moi aujourd'hui de cracher dans la soupe ni de transformer celle-ci en caviar. Aujourd'hui il est inutile d'ouvrir des nouveaux fronts entre artistes signataires et non signataires. Il faut davantage plaider l'apaisement, le retour au dialogue, et la solidarité entre nous tous pour réapprendre d'autres réflexes et initier des dialogues constructifs lorsqu'il faut améliorer certaines choses au sein de la société.» Notre confrère Le360 raconte le dépit d'un autre signataire : «J'ai refusé une première fois de signer. Une autre personne a pris le relais pour m'en persuader et quand elle a échoué à son tour, une troisième, une quatrième et puis une cinquième personne m'ont relancé. À la fin, ils m'ont eu à l'usure». Qui est derrière la pétition des 400? Parmi les initiateurs de la pétition des «400 artistes», un nom revient avec insistance, affirme Le360, «celui d'un jeune cinéaste qui se nomme Nadir Bouhmouch. Si ce dernier n'a pas encore enrichi le patrimoine artistique par une œuvre à citer, il est bien connu chez le Polisario. En 2014, il avait signé une tribune intitulée «Pourquoi je suis un Marocain qui soutient le peuple sahraoui» qui a été largement relayée par les médias algériens» détaille le site. Mais qui guide toutes ces initiatives pétitionnaires ? Qui les diffuse ? Ce sont autant de questions qui restent assez obscures. Ceux qui croient embrasser d'un coup d'œil ferme la situation du Maroc, qui se payent de mots sonores et qui prennent des ressentiments pour de la politique, ceux qui refusent d'aborder les questions pendantes par leur côté sérieux, pratique et fécond, ceux qui mettent la liberté du Maroc dans la menace incessante des perturbations, des réactions, dans la prétention de ne rien faire tant qu'on n'a pas un pays selon son idéal, sont le plus grand danger.