La Loi de Finances rectificative ne constitue ni un instrument de stimulation de l'offre ni un outil de soutien à la demande. Elle ne reflète pas, non plus, les nouvelles priorités sociales et économiques, imposées par cette crise et attendues de tous, pour soutenir la reprise des activités, après plus de 3 mois de confinement généralisé. Le gouvernement s'est contenté d'un programme d'austérité classique, soit la solution facile Dans un entretien accordé à Sputniknews, Najib Akesbi, enseignant-chercheur en économie, indique que le gouvernement n'a pas apporté les bonnes réponses à la crise économique et financière qui frappe le pays depuis le début de l'année, se contentant «d'un programme d'austérité classique, soit la solution facile». Il affirme que par son contenu, la loi de finances rectificative a déçu tout le monde, n'apportant pas les solutions escomptées à la crise. Il souligne également que la grande vulnérabilité de la population marocaine s'est révélée en raison de la crise, rappelant ainsi que pas moins des deux tiers de la population, soit plus de 24 millions de Marocains sur un total de 36 millions, se sont inscrits sur les listes des demandeurs des aides aux ménages opérant dans l'informel. En outre, Najib Akesbi a noté que la crise du Covid-19 s'était greffée à deux autres facteurs qui ont aggravé la situation au Maroc. Il s'agit de la sécheresse et du fait que l'économie marocaine est fortement liée à celle de l'Union européenne. En effet, des pays de l'Europe du Sud comme l'Espagne, la France et l'Italie avec qui le Maroc réalise l'essentiel de ses échanges économiques ont été fortement ébranlés par la crise du coronavirus. Ceci a engendré une baisse des exportations marocaines, une chute du nombre de touristes et des investissements étrangers en plus d'un asséchement des transferts en devise de la communauté marocaine établie dans ces pays, à cause de la baisse de leurs revenus suscitée par le confinement. La LFR-2020 va approfondir les disparités sociales et territoriales Pour l'Istiqlal, la LFR n'était pas au niveau du moment historique que traverse notre pays, et elle n'a proposé que des demi-solutions, elle n'a pas pu réaliser le changement souhaité et créer les ruptures nécessaires avec les aspects de la crise, et elle a ancré la logique de la reprise des activités économiques au lieu de réaliser les conditions d'une relance économique réelle et socialement responsable. La LFR n'a pas déterminé les priorités de l'étape, notamment en ce qui concerne la promotion l'éducation et la santé, ainsi que l'achèvement de la sécurité énergétique, la sécurité alimentaire et la sécurité de l'eau, ce qui fait d'elle une loi qui ravaude les finances. Elle a également omis les dispositions liées à la protection sociale des professionnels et des travailleurs indépendants. Par ailleurs, cette loi de finances n'a prévu aucune mesure susceptible d'augmenter les revenus et d'améliorer la situation économique et matérielle des familles. En outre, elle ne comprend aucun mécanisme pour arrêter l'accroissement de la pauvreté, puisque environ 10 millions de citoyens étaient menacés de vivre en dessous du seuil de pauvreté. Cela se rajoute au fait d'approfondir les disparités sociales et territoriales en raison de la décision du gouvernement de suspendre ou de reporter les investissements publics, ce qui contribue à perpétuer la crise et à augmenter le taux du chômage à des niveaux record. L'Istiqlal met également en garde contre la marginalisation du monde rural en l'absence d'une vision du gouvernement afin de promouvoir le milieu rural et les zones montagneuses et frontalières, puisque la loi de finance ne comprend aucun chantier de développement pour le monde rural, à l'exception de deux mesures liées uniquement à l'eau et au fourrage, tandis que le milieu rural souffre d'un grand déficit à tous les niveaux, qui a été aggravé par la crise de la sécheresse et les répercussions du Coronavirus. Le choc soudain de la pandémie a entraîné l'économie marocaine dans une abrupte récession Rappelons que le choc soudain de la pandémie a entraîné l'économie dans une abrupte récession, la première depuis 1995, comme le souligne la Banque mondiale. En effet, l'économie risque de subir le double impact des chocs économiques intérieurs et extérieurs. Selon le scénario de base, le PIB réel diminuera de 4 % en 2020, bien loin de l'augmentation de 3,6 % prévue avant l'irruption de l'épidémie. Bien que peu de secteurs soient épargnés, cette contraction est notamment due à la chute de la production des biens et services, la réduction des exportations, la perturbation des chaînes de valeur mondiales ainsi qu'au déclin du tourisme sous l'effet de la fermeture des frontières et des mesures restreignant la mobilité. Le marché du travail fait face à un choc aux proportions historiques, les travailleurs vulnérables, notamment ceux du secteur informel, sont particulièrement touchés. Les entreprises sont affectées par les perturbations des chaînes de valeur, la réduction de la mobilité des travailleurs, les fermetures temporaires ainsi que le ralentissement de la demande mondiale. Les effets négatifs combinés ont conduit à des pertes d'emplois et de revenus. Les déficits jumeaux du Maroc devraient se creuser, mais rester gérables. En dépit de la baisse des importations, le déficit du compte courant s'accentuera pour atteindre 8,4 % en 2020, en raison du fort déclin des exportations, des recettes touristiques et des transferts de fonds. Sur le plan budgétaire, en 2020 et 2021, les recettes seront plus basses que prévu tandis que les dépenses augmenteront, notamment celles consacrées à la santé, à la protection sociale et à d'autres mesures de riposte contre les conséquences de la pandémie. En conséquence, le déficit budgétaire global se creusera et atteindra 7,5 % du PIB en 2020, un pourcentage supérieur de près de quatre points aux prévisions antérieures à l'épidémie. Enfin, les dettes publique et extérieure augmenteront, mais demeureront soutenables. Selon les prévisions, avec toutefois un degré d'incertitude inhabituel, le redressement économique qui suivra l'épidémie sera long, la croissance ne revenant à sa tendance antérieure à l'épidémie qu'en 2022. Le rythme prévu du redressement est incertain, car il est étroitement lié à de nombreux facteurs, comme la découverte de traitements efficaces contre le COVID-19, les mesures futures des décideurs, ou l'évolution de l'économie mondiale. Ce rythme dépend également et très fortement du comportement des ménages et des entreprises qui, au vu du degré d'incertitude extrême, risquent de recourir à l'épargne de précaution, ce qui pourrait être un frein considérable à la consommation et l'investissement privés.