Le pouvoir algérien profite de la maladie Covid-19 pour tenter d'enterrer une bonne fois pour toutes le mouvement populaire qui l'a ébranlé pendant un an, jusqu'à sa récente suspension, et empêcher toute récidive, estiment des analystes. Depuis le début de la crise sanitaire et l'arrêt des manifestations hebdomadaires mi-mars, la répression continue à s'abattre sur des opposants, des journalistes et médias indépendants ainsi que des internautes. Parallèlement, l'adoption précipitée de textes de loi criminalisant la diffusion de fausses informations et les discours de haine sur internet fait craindre une tentative de « museler » la liberté d'expression. « C'est le retour à l'ordre de fer, le même qui, dans les années 1970, imposait à toutes les Algériennes et tous les Algériens de la boucler et de filer droit », fustige le journaliste Akram Belkaïd dans sa chronique pour le Quotidien d'Oran, journal francophone indépendant. Malgré l'épidémie, plusieurs centaines de personnes ont défilé dimanche près de Tizi-Ouzou, en Kabylie (nord-est), pour dénoncer la convocation par la police de cinq jeunes activistes anti-régime locaux, selon les réseaux sociaux. Une première, apparemment, depuis mi-mars. Pendant 56 semaines, conspuant la corruption, le népotisme et « l'Etat militaire », le « Hirak » a réclamé un changement du « système » en place depuis l'indépendance en 1962. En vain, même s'il a obtenu la tête du président Abdelaziz Bouteflika après 20 ans de règne. Mais pour le président Abdelmadjid Tebboune, élu en décembre 2019 avec 60% d'abstention, la « souveraineté nationale » justifie les mesures de censure à l'encontre de sites en ligne accusés d'être à la solde d' »organisations étrangères ». Le pouvoir est toutefois fragilisé non seulement par le « Hirak » et l'urgence sanitaire mais aussi par la chute du prix des hydrocarbures, qui menace d'une grave crise économique l'Algérie, hyper dépendante de la rente pétrolière. « Le gouvernement se préoccupe plus de la relance des activités économiques, sociales et scolaires que de la reprise du Hirak », argue Mansour Kedidir, chercheur au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (CRASC) d'Oran. « Profitant de l'urgence sanitaire et du confinement, il y a effectivement une volonté d'atomiser le Hirak. Mais le régime n'arrive pas à voir que le Hirak, c'est avant tout des idées et les idées ne meurent pas », assure Asma Mechakra, chercheuse en biomédecine, qui milite pour la libération de Karim Tabbou, figure emblématique de la contestation en prison.