Privés par l'épidémie de Covid-19 des iftars, ces repas en famille qui fêtent la rupture du jeûne, frustrés de leurs déambulations nocturnes, les Maghrébins lamentent « les saveurs du ramadan ». Malgré le couvre-feu instauré au Maroc au début du ramadan pour empêcher les sorties nocturnes, certains s'aventurent pas loin de la maison, pour respirer un autre air, mais rentrent aussitôt. Pas de matchs de foot, ni de sorties en famille ou entre amis pour aller dîner sur les plages alentour. La ville de Témara, près de Rabat, a même déployé un drone pour débusquer les contrevenants réunis sur les toits terrasses. Plus grave, la crise sanitaire a contraint les autorités algériennes à interdire les restaurants de la « rahma » (miséricorde), où des bénévoles servent des repas aux plus démunis ou à ceux qui n'ont pu se rendre chez eux faute de transport. Les mosquées sont fermées depuis mars en Algérie, au Maroc et en Tunisie, empêchant la prière collective nocturne de tarawih. Évanouies également les longues veillées musicales dans les « khaïmas », lieux éphémères érigés le temps de ces soirées ramadanesques. A Tunis, Rabat ou Casablanca, les médinas, ces quartiers traditionnels qui drainaient des foules dès la rupture du jeûne, ressemblent à des cités fantômes. Le silence remplace éclats de rire et applaudissements. Les Tunisiens sont privés des danses au rythme du « stambali », ce rituel de transe mystique, et des chants « hadra » d'inspiration soufie. Des pâtisseries sont restées ouvertes, au Maroc et en Tunisie, mais du fait du confinement obligatoire beaucoup préfèrent cuisiner à la maison. Pire, en Algérie, les autorités, qui avaient autorisé des commerces à rouvrir au début du mois sacré, le 24 avril, ont ordonné une nouvelle fermeture dans certaines régions au vu de la cohue. Dès le premier jour, les jeûneurs avaient pris d'assaut les marchands de « zlabia »(un gâteau au sucre) et de « djouzia » (une friandise au miel et aux noix), faisant fi des règles sanitaires. Certains Algérois avaient même parcouru plus de 30 km pour aller chercher leur zlabia dans les rares boutiques ouvertes de Boufarik, la capitale de la spécialité en Algérie, dans la wilaya de Blida où a éclaté la pandémie début mars. A Alger, les meilleures adresses de « kalb elouz » (coeur d'amandes), autre pâtisserie très prisée durant le ramadan, ont instauré la vente sur rendez-vous, afin d'éviter d'interminables files. Au Maroc, dattes, « chebbakia » (gâteau trempé dans du miel) et autres sucreries incontournables des repas du ftour (iftar) sont disponibles dans les marchés populaires ou les grandes surfaces. Mais les repas se font chez soi. Finis les rassemblements familiaux.