Saïd Bouteflika fut l'influent conseiller spécial de son frère durant ses vingt ans de présidence. Il est accusé de complot contre l'autorité de l'armée et de l'Etat. Saïd Bouteflika, frère et ex-puissant conseiller du président déchu Abdelaziz Bouteflika, et deux anciens patrons du renseignement en Algérie ont vu lundi leur peine de 15 ans de prison confirmées en appel. Jugés depuis dimanche par la Cour d'appel du tribunal militaire de Blida, à 50 km au sud d'Alger, « Saïd Bouteflika, le général (Athmane) Tartag et le général (Mohamed Lamine) Mediene ont eu quinze ans de prison » pour complot contre l'autorité de l'armée et de l'Etat, a déclaré Me Boudjemaâ Guechir. Cet avocat, qui a assuré la défense de la quatrième co-accusée dans ce procès, Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des Travailleurs (PT, trotskiste), a précisé que la condamnation de sa cliente avait été réduite à trois ans, dont neuf mois ferme, et qu'ayant purgé sa peine « elle « allait sortir ». Louisa Hanoune, 65 ans, a été libérée en fin de soirée, en présence d'un groupe de proches qui l'ont embrassée, et s'est engouffrée dans une voiture au milieu d'une bousculade de caméras. Détenus depuis leur arrestation en mai 2019, les quatre accusés avaient écopé de quinze ans d'emprisonnement lors d'un procès éclair en première instance en septembre devant le tribunal militaire de Blida. Comme en première instance, le procès en appel s'est déroulé à huis clos et peu d'éléments ont filtré des débats. Le parquet avait requis lundi vingt années d'emprisonnement à l'encontre de Saïd Bouteflika, du général Mediene, dit « Toufik », ancien patron du tentaculaire Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS), et de son ex-bras droit, le général Tartag, qui lui avait succédé, absent du procès. Les avocats des trois co-accusés présents ont plaidé l'acquittement. « Je suis déçu mais pas découragé. Nous avons la possibilité de faire un pourvoi en cassation devant la Cour suprême. Nous avons huit jours pour le faire », a dit Me Farouk Kessentini, l'avocat du général Mediene. Ce dernier avait dirigé durant 25 ans, jusqu'à son limogeage en 2015, le DRS, structurellement rattaché à l'armée mais dans les faits, véritable « Etat dans l'Etat ». Au faîte de sa puissance, « Toufik » était surnommé « le Dieu de l'Algérie ». Le général Tartag, alias « Bachir », ancien chef de la Coordination des Services de sécurité (CSS, qui avait remplacé le DRS démantelé), a quant à lui refusé de se présenter devant la Cour. « C'est une lourde peine. Mon client sait pertinemment que la conjoncture que traverse le pays n'est pas propice à un verdict léger. Il est l'otage du Hirak », le mouvement de contestation populaire qui ébranle le pouvoir depuis près d'un an, a expliqué son avocat Me Khaled Bergheul. Principal accusé de ce procès, Saïd Bouteflika, 62 ans, fut l'influent conseiller spécial de son frère Abdelaziz durant ses vingt ans de présidence (1999-2019). Son pouvoir s'était renforcé au point d'être considéré comme le « président-bis », à mesure que déclinait la santé du chef de l'Etat, victime en 2013 d'un AVC qui l'a laissé paralysé et aphasique. Les quatre condamnés étaient accusés de s'être réunis en mars 2019 pour élaborer un « plan de déstabilisation » du haut commandement de l'armée qui demandait alors publiquement le départ du président Bouteflika pour sortir de la crise née du « Hirak ». Pour de nombreux observateurs, les co-accusés apparaissent comme les vaincus d'une longue lutte de pouvoir ayant opposé, sous la présidence Bouteflika, l'état-major de l'armée et le DRS. Selon l'accusation, Saïd Bouteflika entendait s'appuyer sur les ex-patrons du renseignement pour limoger le chef d'état-major de l'armée, le général Ahmed Gaïd Salah, jusque-là indéfectible soutien du chef de l'Etat qui l'avait nommé à ce poste en 2004. Abdelaziz Bouteflika a finalement démissionné le 2 avril 2019, quelques heures après un ultimatum de l'état-major de l'armée demandant son départ « immédiatement ». Louisa Hanoune avait admis sa participation à une réunion avec Saïd Bouteflika et « Toufik » le 27 mars, au lendemain d'une déclaration du général Ahmed Gaïd Salah demandant publiquement le départ du pouvoir de Bouteflika. Mais elle a nié tout complot. Les jours suivant cette rencontre, le général Gaïd Salah avait publiquement dénoncé des « réunions » visant à « comploter » contre l'armée. Deux semaines après le départ du président Bouteflika, il avait nommément accusé le général Mediene de « conspirer » contre l'armée. Le général Gaïd Salah, qui a incarné la réalité du pouvoir entre le départ d'Abdelaziz Bouteflika et l'élection de son successeur Abdelmadjid Tebboune le 12 décembre, est mort le 23 décembre à 79 ans. La défense, qui estimait que le défunt est à l'origine des poursuites, espérait que son décès changerait « la donne » du procès. En vain.