Lors des premières assises des industries culturelles et créatives, tenues aujourd'hui à Rabat, le romancier marocain Mahi Binebine a présenté le centre culturel « Les étoiles de Sidi Moumen » qu'il a co-fondé avec le réalisateur marocain Nabil Ayouch en 2014. S'exprimant lors des premières assises des industries culturelles et créatives, le romancier marocain Mahi Binebine est revenu sur l'expérience du centre culturel « Les étoiles de Sidi Moumen », porté par lui-même et par le réalisateur Nabil Ayouch, un centre culturel qui se veut une occasion pour offrir un accès à l'art et à la culture à tous. Le lien du romancier marocain Mahi Binebine avec Sidi Moumen s'est noué à la suite des attentats perpétrés par 12 kamikazes et qui ont fait 33 morts en mai 2003 à Casablanca. « En 2003, il y a eu des attentats à Casablanca à Sidi Moumen. On a été choqué. On pensait que le terrorisme ne nous concernait pas. On s'est réveillé sous une douche froide. En plus de cela, on s'est rendu compte que les kamikazes venaient de chez nous et pas de l'extérieur« , a-t-il déclaré lors de son passage lors du premier panel des assises de la culture intitulé « richesse des identités culturelles, un capital à valoriser ». « Je voulais comprendre ce qui nous est arrivé à l'époque. On n'était absolument pas habitué à cela [ndlr : aux attentats]. Le Marocain est, de nature, quelqu'un de sympathique qui n'est pas violent. Le terrorisme et la violence ne figurent pas dans ses gènes. Afin de tout comprendre, je me suis rendu à Sidi Moumen et je suis tombé sur un bidonville. J'ai aussi vu des gamins joyeux qui jouaient au football sur une énorme décharge dans la rue. Cela m'a rappelé mon enfance quant que jouais au foot, pieds nus, dans les ruelles de Marrakech », a-t-il indiqué. « J'ai décidé d'écrire un roman pour raconter comment ces enfants allaient devenir de bons humains. J'ai essayé de suivre la vie de ces enfants. J'ai commencé à faire ce travail en 2004. Toutefois, en 2006 je ne m'en sortais pas. J'ai arrêté la rédaction parce que je ne pouvais pas justifier l'injustifiable. J'ai pris des vacances littéraires et j'ai repris la rédaction en 2008 pour finir mon roman« , a-t-il poursuivi. Le romancier marocain n'a pas pu terminer, donc, la rédaction de son roman puisqu'il lui était presque impossible, pour lui, de justifier l'injustifiable. « Il y a un mot qui s'appelle « Al Hogra ». Il est intraduisible en français. J'ai essayé de le traduire mais je n'ai pas pu trouver son équivalent exact en français. Un mélange d'éléments, de frustrations, d'injustice et de mépris donne ce sentiment qui s'appelle « Al Hogra ». Perdre la vie semble parfois plus facile que de se sentir « mahgour », a-t-il noté lors de son intervention sur l'accès des jeunes aux arts et à la culture. Pour Binebine, ces jeunes défavorisés et vulnérables sont tous en quête d'affirmation de soi. Ils veulent, comme tout le monde, réaliser leurs rêves. D'ailleurs, certains d'entre eux étaient, malheureusement, proies de choix de terroristes qui les ont manipulés. Binebine a travaillé d'arrache-pied pour finir son roman qui a eu un succès certain. « Les étoiles de Sidi Moumen » est un roman tragique et lumineux, plein de mauvaises farces et de drames muets, d'errances et de poussière, de fraternités et de trahisons. Dans cette fiction, l'auteur raconte, par la voix de l'un des auteurs d'attentats visant un grand hôtel de Casablanca, l'histoire de ce kamikaze et celle de ses complices, tous issus du même bidonville, Sidi Moumen, où ils menaient une vie chaotique jusqu'à ce qu'ils soient recrutés par des islamistes pour commettre des actes terroristes. A peine paru, Nabil Ayouch a décidé de l'adapter au cinéma. En effet, « Les étoiles de Sidi Moumen » a été adapté sous le titre « Les chevaux de Dieu ». Le succès de ces deux productions artistiques a poussé Nabil Ayouch et Mahi Binebine à ouvrir le centre culturel « Les étoiles de Sidi Moumen » qui a pour vocation d'offrir un accès à l'art et à la culture à tous. Les adhérents bénéficient de cours de musique de danse, des arts plastiques ainsi que des cours de langues et d'informatique. Trois ans après l'ouverture du centre culturel « Les étoiles de Sidi Moumen », la fondation Ali Zaoua a réitéré l'expérience à Tanger et a inauguré le centre « Les étoiles du Détroit ». Installé en plein cœur du quartier de Beni Makada, ce centre socio-culturel de proximité se veut aussi un lieu d'initiation et de formation aux arts et aux cultures du monde. Un autre centre a été ouvert à Agadir. Deux autres devraient prochainement voir le jour : l'un à Fès, l'autre à Marrakech. Il semble ainsi que l'accès des jeunes aux arts et à la culture est l'un des piliers importants de la cohésion sociale. Sans aucun doute, la promotion de la diversité culturelle dans les politiques nationales favorise l'inclusion et l'équité sociales. Pour rappel, le ministère de la Culture et de la Communication et la Fédération des Industries Culturelles et Créatives (FICC) de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc (CGEM) organisent, les 4 et 5 octobre, les premières assises des industries culturelles et créatives. Au cours de ces deux jours, politiques et acteurs de la culture se réuniront à l'occasion de plusieurs panels.