Depuis l'obtention d'un «accord de principe» pour son entrée dans l'espace économique ouest-africain lors du 51ème sommet de la Cedeao, qui s'est tenu le 4 juin 2017, aucune suite concrète n'a été donnée à la demande du Maroc. Et pour cause, plusieurs pays restent encore réticents par rapport à l'entrée du Maroc à la zone de libre-échange africaine, et son impact sur leurs économies. Le Maroc est la 5ème puissance continentale en Afrique. Sa valeur ajoutée à la Cedeao n'est donc pas infime et c'est précisément ce qui fait peur. Le Maroc est également une addition considérable en termes d'expérience aux niveaux sécuritaire, universitaire et industriel. Ainsi, réalité est que plusieurs alliés historiques du Maroc redoutent son adhésion. Mamadou Lamine Diallo, député à l'Assemblée générale du Sénégal, avait exprimé cette réticence en disant que «le Sénégal se transforme en un souk d'importations» du royaume. En effet, selon le rapport 2017 de l'Office des changes, les exportations du Maroc vers l'Afrique sont passées de «3,2 milliards de dirhams en 2008 à 10,2 milliards de dirhams en 2016», et les chiffres ne cessent de grimper. Au Nigéria, première puissance de la Cedeao, de nombreux syndicats se sont ralliés pour demander au président Muhammadu Buhari de s'opposer à l'adhésion du Maroc. L'un des syndicats les plus farouches est la Manufacturers Association of Nigeria (MAN), qui ne cesse de mettre en garde contre l'acceptation du Maroc, en clamant qu'elle provoquerait la perte du secteur productif du pays. L'ex-ministre des Affaires étrangères nigérian, Bolaji Akinyemi, accusait même une tentative de réduire l'influence du Nigéria dans l'instance ouest-africaine. Le Nigéria est surtout le plus grand bénéficiaire de la zone de libre-échange de la Cedeao puisqu'il contrôle 40% des échanges commerciaux régionaux, et ne souhaiterait pas voir ce taux compromis. Il est vrai que le Maroc, outre les efforts colossaux qu'il a déployés ces dernières années, se trouve doté d'office de plusieurs atouts, comme sa position géographie. De par sa position géographique par exemple, ou encore la diversité du tissu industriel marocain, les différents accords de libre échange (ALE) avec l'UE, la Turquie, les Etats Unis… Les peurs du Nigéria et d'autres pays peuvent s'avérer injustifiées si l'on prend en compte les lois régissant la concurrence en vigueur dans tous les traités de libre-échange. Ce qui veut dire que le Maroc ne pourra sûrement pas exporter plus que la demande. L'absence de barrière douanière commerciale ne signifie aucunement que les pays sont obligés de procédés de la même manière dans les échanges. En réalité, la mise en place de barrières douanières permet de compenser, entre pays, les différences majeures qui les séparent du point de vue de la fiscalité, des salaires, de la protection sociale et de l'environnement sans faillir aux règles de la concurrence loyale mais libre. En plus de cela, le Maroc et le Nigéria se retrouveront surement collaborateurs au sein de la ZLECA. Le Nigéria a fini par signer l'accord de libre-échange dont la première visée est d'accroître les échanges commerciaux entre les pays africains. Sa réticence première concernant la ZLECA venait surtout du fait qu'un grand nombre d'acteurs économiques consultés lors des négociations craignaient qu'une intégration régionale accrue n'entraîne une concurrence déloyale pour les emplois et les biens qu'ils produisent. L'Erythrée reste le seul pays africain à n'avoir pas signé l'accord. Il se garde, pour l'instant, en marge du bloc commercial constitué à travers cet accord, en raison de son conflit avec l'Ethiopie. Avec un PIB global de 700 milliards de dollars et ses 300 millions d'habitants (en 2010), la Cedeao regroupe 15 pays et représente la 20ème économie mondiale. L'intégration du Maroc bénéficiera tant qu'au Royaume, en termes de facilités d'exportations ce qui consolidera sa position commerciale sur le continent ; que l'organisation, en y apportant ses 100 milliards de dollars de PIB, de quoi dépasser la Turquie avec ses 730 milliards de dollars de PIB.