A la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Mohammedia règne un climat des plus tendus. Des étudiants étant lésés par la décision jugée arbitraire de suspension de masters et de licences professionnelles n'ont eu d'autres recours que de manifester leur colère en effectuant en continu des sit-in devant et au sein de l'enseigne de ladite faculté. En cas de non intervention des autorités de tutelle, un réel risque d'agonie du système de l'enseignement supérieur s'annonce, d'autant plus que ce cas est loin d'être isolé et des étudiants dans d'autres régions du Royaume s'organisent en collectifs et s'apprêtent à hausser le ton. Quelles sont les motivations de ces professeurs qui, en annonçant officiellement ces suspensions il y a à peine deux semaines, mettent en jeu l'avenir des dizaines de milliers d'étudiants? Et quelle serait la part de responsabilité du ministère chapeauté par Lahcen Daoudi dans tout cela? Retour sur les faits. C'est après la démission inattendue du doyen de la Faculté de Mohammedia qu'un grand vide administratif a sévi, et sévit toujours. En attendant le lancement du concours pour la nomination d'un nouveau doyen, cette phase transitoire est mal vécue au sein de cette faculté. D'après une source bien informée, «bien que la décision du désengagement des différents cycles de masters offerts ait été prise à la fin de l'année universitaire écoulée, elle n'a été annoncée officiellement par le conseil de la faculté que deux semaines de cela». Chose qui a non seulement privé des dizaines de milliers d'étudiants de poursuivre un enchaînement normal et légitime de leurs études, mais a également exclu toute éventuelle alternative, vu que de nombreuses universités ont décliné leurs candidatures. Ceci dit, selon les dires de cette même source qui a préféré garder l'anonymat, les causes derrière cette «aberration» sont multiples. Les professeurs justifient leur décision par un manque de moyens financiers d'une part et de ressources humaines d'une autre part. «Dans de telles situations, il faut que l'intérêt de l'étudiant prime. Or, ici nous sommes loin d'y prêter attention. Il faut savoir dans ce sens que plus des masters sont ouverts dans une université, plus le budget qui leur est alloué augmente», précise note source. A ce titre, la Faculté de Mohammedia disposait, avant suspension, de 14 masters et 16 licences professionnelles. Ce ne serait pas tout, la confusion réside d'après cette même source, dans le fait que «le budget de 2011 n'a toujours pas été débloqué par le ministère». Ce qui prête à dire que cette enseigne fonctionnerait avec le budget de l'année 2010 et de la sorte la faculté serait incapable de mener à bien sa mission dont l'absorption des 4.000 nouvelles inscriptions annuelles. Par ailleurs, certains jugent le ton du ministère de tutelle «menaçant» dans la mesure où dans plusieurs sorties médiatiques, Lahcen Daoudi, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de la formation des cadres, aurait traité le dossier des universités avec fermeté et ne cesse d'évoquer «la dépravation» du corps enseignant. «Ce climat tendu entre le ministère de tutelle et les présidents ou enseignants au sein des facultés n'a pas été sans créer une certaine réticence chez les professeurs qui auraient préféré se retirer». Qu'il s'agisse de manque de moyens ou de mauvaise gestion, les autorités de tutelle sont appelées à se pencher davantage sur les maux dont souffre l'enseignement supérieur au Maroc. Quelles pistes peuvent prendre les étudiants? Sur le plan légal, la décision prise par le conseil de la faculté ne serait pas justifiable dans la mesure où un cycle de master, une fois ouvert, exigerait un engagement d'au moins quatre années de la part du professeur vis-à-vis du ministère de tutelle. Or, dans le cas échéant, plusieurs n'auraient pas honoré ce contrat. «Se sentant lésés, ces étudiants ont un parfait droit de recourir au tribunal administratif», déclare-t-on à ALM. D'ici là, il y a lieu de poser de sérieuses questions sur le succès tant enchanté du fameux Plan d'urgence et le grand budget qui a été alloué à la réforme d'un secteur qui ne cesse de couler. Pour certains, évoquer un manque de moyens financiers pour justifier de telles décisions serait légitime. Pour d'autres, les vrais maux dont souffre l'enseignement supérieur seraient avant tout la mauvaise gestion et un manque accru de compétences. Devrait-on changer encore une fois de mode de désignation des présidents et doyens d'universités, notamment la loi 01.00 portant sur l'organisation de l'enseignement supérieur? Une chose est sûre, le chantier des réformes est loin d'être totalement fini et le pari de le mener à bord demeure majeur.