Mohamed Abied, secrétaire général de l'Union constitutionnelle, critique le gouvernement et appel au respect de la loi en ce qui concerne les dossiers en cours devant la Justice. ALM : Il y a eu dernièrement des rencontres entre le Rassemblement national des indépendants et l'Union des mouvements populaires. Quelle est votre première réaction à ce sujet? Mohamed Abied : C'est un événement ordinaire dans la mesure où il s'agit de discussions entre des dirigeants appartenant à la famille politique. Le RNI et les partis de la mouvance populaire ont déjà fait l'expérience de la gestion en commun au niveau du gouvernement. Nous, aussi, nous avons été au gouvernement aux côtés du RNI. Rien n'est donc surprenant à ce niveau, surtout du moment que les concertations ne se font pas avec des courants différents. Mais, l'on parle à ce sujet d'une pression pour le changement du gouvernement et du Premier ministre. Qu'en dites-vous ? Généralement, un changement du gouvernement intervient suite à l'une des deux possibilités : soit en raison de l'absence d'une cohésion au sein du gouvernement, sachant que l'Exécutif actuel est composé d'une équipe hétéroclite anormale, ou à partir du moment où les gens commencent à manifester leur désapprobation à l'égard de la gestion gouvernementale. Dans le cas échéant, force est de constater que des voies s'élèvent de l'intérieur du gouvernement demandant le changement de celui-ci. D'où les bilans à court de ce gouvernement. Nous sommes donc en face d'une situation paradoxale qui ne doit plus durer, puisque ces bilans doivent se faire à la fin d'une période de gestion suffisante ou du mandat, non en concomitance de l'avènement de certaines vagues contestataires. Est-ce que c'est cela qui vous a poussé à annoncer devant la jeunesse de l'UC que le gouvernement est plus préoccupé par ses contradictions internes que par la gestion des affaires publiques? Le gouvernement a besoin de personnes qui croient en son programme et sa stratégie. Mais tel n'est pas le cas pour l'Exécutif actuel où l'on trouve des ministres qui tiennent des discours contraires à ceux de leur parti. L'autre problème qui s'impose à ce niveau a trait au programme de ce gouvernement. Nous sommes franchement gênés de voir un Exécutif formé de partis adverses, exécuter les grandes lignes de notre programme politique. Nous étions les premiers à défendre le libéralisme et la privatisation ; alors que maintenant tout se dit appartenir au libéralisme. Mais on l'applique d'une manière mauvaise. Certes, les gens sont surpris de nous voir voter en faveur de certains projets du gouvernement, mais, de notre côté, nous estimons que tant qu'il n'y a de projets socialistes, nous continuerons à agir tel que nous le faisons jusqu'à présent. Vous dites souvent que ce ne sont pas les urnes qui ont placé l'UC à l'opposition ; sachant que n'avez obtenu que 16 sièges lors des élections du 27 septembre 2002. Comment expliquez-vous ces propos ? En effet, je persiste à croire que la majorité actuelle n'est pas le fruit des élections du 27 septembre 2002. Il y a des gens au gouvernement qui ont moins de sièges au Parlement que nous, et d'autres qui ont presque le nombre d'élus dont nous disposons. Si les critères de constitution du gouvernement se faisaient sur la base de l'appartenance à des familles politiques, nous aurions été au centre de l'appareil exécutif. Mais, cela n'a pas eu lieu. Cela dit, d'un côté, nous considérons que la monarchie constitue une garantie contre tout changement de la stratégie politique du pays, mais, de l'autre, nous persistons à croire que la compétition politique intègre ne garantit pas encore l'accès aux responsabilités étatiques; et ce, tant que des formations de faibles représentativités peuvent accéder au gouvernement. Au nom du libéralisme, l'on préconise des fois la défense de la transhumance partisane. Quelle est votre position à ce sujet ? Nous sommes contre toute forme de banalisation de l'action partisane. Les choses doivent être claires, et il est temps que l'on adopte un nouveau texte de loi régissant la vie des partis, et distinguant ces derniers par rapport aux associations. Sur la base de ce projet qui devra, normalement, mettre un terme à l'anarchie qui règne dans ce cadre, notamment en conditionnant la création des partis politiques par l'existence d'un seuil de représentativité, d'adhérents et de sections, les formations partisanes pourront adopter un code d'honneur entre elles. Quelle est votre réaction par rapport aux arrestations liées à la gestion du Grand Casablanca ? Notre position est claire à ce sujet. Il y a plusieurs mois, nous avons analysé la situation de certaines personnes qui appartenaient à notre parti, et nous avons gelé leur adhésion à notre parti. Ceci étant, nous sommes contre l'exploitation de cette affaire à des fins politiciennes. Tout ceux qui ont transgressé la loi doivent être sanctionnés, conformément aux dispositions de la loi. Mais, encore faut-il faire confiance à la Justice et la laisser faire son travail correctement. La confusion, qui a régné lors de la campagne d'assainissement de 1996, doit être révolue à jamais. Aussi, l'on doit avoir le courage politique de condamner toutes les formes de dérapage qui se manifestent au niveau de la gestion des affaires publiques, et de prendre les mesures nécessaires qui s'imposent dans ce domaine.