Les entretiens conduits par les journalistes Patrice Martin et Christophe Drevet, dans l'émission «La langue française vue d'ailleurs», ont été publiés. «La langue française vue d'ailleurs» est l'une des meilleures émissions diffusées sur la radio MEDI 1. Cette émission existe depuis octobre 1997. Elle s'intéresse à des écrivains du monde entier qui ont en commun le fait d'écrire en français. Leur langue maternelle est différente de la langue dans laquelle ils s'expriment par écrit. Les textes publiés sous le même titre que l'émission radiophonique aux éditions Tarik sont la transcription des témoignages recueillis par Patrice Martin et Christophe Drevet, deux journalistes de MEDI 1. Il faut préciser d'emblée que ces entretiens ne participent pas de la francophonie. La francophonie regroupe en effet les pays qui ont en commun l'usage du français. Le Maroc est considéré comme un Etat de la francophonie, puisqu'il participe au sommet des pays francophones. Cette politique-là intéresse peu les écrivains qui ont été interrogés sur leur relation personnelle avec la langue française. C'est de l'usage individuel que font les écrivains de cette langue qu'il est question dans l'émission de MEDI 1. Ces écrivains parlent de leur expérience du français. 50 pays sont concernés par ces entretiens. Ce ne sont pas seulement les écrivains issus des pays colonisés qui ont intéressé les interviewers, mais également des individus originaires de pays occidentaux et qui ont choisi de s'exprimer en français. Les personnes originaires de ces pays n'ont pas le même rapport au français que les écrivains maghrébins. Ce rapport est généralement conflictuel dans les pays du Maghreb, et ce en raison de la forte charge identitaire de l'arabe. Le poids de l'histoire, du colonialisme, pèse ainsi très lourd sur l'usage que les écrivains maghrébins font de la langue française. En revanche, il ne se pose pas avec la même acuité pour les écrivains originaires des pays de l'Afrique subsaharienne, colonisés par la France. La pluralité des langues dans ces pays-là fait en sorte qu'ils ne connaissent pas les susceptibilités relatives à la langue dominante et la langue dominée. Au demeurant, le pourquoi du choix de langue française sous-tend la plupart des entretiens. Certains écrivains avouent l'avoir choisie, d'autres admettent qu'ils l'ont subie. L'écrivain algérien Rachid Boudjedra dit à ce propos: «La langue française, je n'ai pas été à sa rencontre. C'est un fait dû à la colonisation, à l'histoire. Je ne l'ai pas choisie.» Le choix des écrivains occidentaux de cette langue s'explique par des raisons personnelles, puisqu'ils n'ont pas subi la colonisation. À cet égard, l'écrivain français Michel Leiris interrogeait un jour le grand dramaturge irlandais Samuel Beckett sur les rasions qui l'ont poussé à écrire nombre de ses pièces en français. Beckett lui a répondu : « c'est pour désensibiliser la langue ! » Par ailleurs, les écrivains, interrogés dans l'émission « La langue française vue d'ailleurs », ne cessent d'aborder des questions esthétiques relatives au passage de la langue maternelle à la langue d'expression. Que produit la superposition d'une langue sur une autre ? Comment s'introduit la langue maternelle dans les phrases ? La langue de réflexion. La langue des rêves. Rien de tout cela n'a été épargné dans ces entretiens. Nombre d'écrivains finissent par avouer que les considérations sur la langue de l'autre, sur la langue du colon interviennent peu quand ils se retrouvent en face de la feuille blanche. Qu'ils aient choisi de s'exprimer dans cette langue ou non, c'est la confrontation entre l'idée et son moyen d'expression qui prédomine.