Dans une métropole traversée par mille et un bruits, un maître du Zen enseigne l'art de la méditation. Idriss Shah Badidi ressemble à un fakir hindou. Sa minceur atteste l'homme peu enclin aux nourritures terrestres. Son crâne rasé réduit les mesures de sa tête où deux yeux illuminés découvrent un personnage habitué à la contemplation du vide. Son cou est long, levé, comme s'il cherchait à atteindre le ciel qu'il demande à ses élèves de remuer. Cet homme est un maître du Zen. Il est installé à Casablanca et préside tous les soirs dans un lieu qui tient plus du gymnase que du temple des séances zazen avec un nombre limité de pratiquants. Ces derniers portent des gandouras noires. Ils obéissent tous à un rituel très strict. C'est ainsi qu'ils entrent dans la salle avec le pied gauche. Cette façon de faire n'a rien à voir avec la bipolarité du gauche et du droit. Dans plusieurs cultures, le pôle droit en appelle à l'ordre, à la morale, à la raison etc ; le pôle gauche recouvre les attributs du désordre et ce qui en découle comme désir de faire une fissure dans l'organisation du moi social. Rien de tel dans le Zen qui tend à acculturer par des gestes nouveaux des habitudes qui à force d'être répétées finissent par se dissoudre dans l'insensibilité totale. Les adeptes s'assoient ensuite sur des coussins dont le prototype a été dessiné au Tibet : des « zafus ». Ils s'installent face au mur, histoire de tourner le dos aux contingences de la vie réelle. Le maître opte pour la position inverse de façon à contrôler la posture des pratiquants. Commencent alors les injonctions du maître qui invite ses élèves à une série de mouvements. Tous les exercices sont basés sur la respiration et l'équilibre du corps. On apprend que le contact de la langue avec le palais atteint des foyers d'acupuncture qui relaxent le cerveau. On apprend aussi que le zazen favorise la sexualité. Certaines pressions sur les vertèbres de la colonne verticale ont – si l'on accorde du crédit à maître Badidi – plus d'effet que le plus redoutable des aphrodisiaques. Ces exercices de concentration durent à peu près une heure. Les élèves s'exercent ensuite au chant. Ils ne chantent pas dans n'importe quelle langue, mais en sanskrit. Les vocables du sanskrit dont découlent les langues indo-européennes, sont purs selon maître Badidi. Ils permettent d'expurger toutes les mauvaises énergies.