Le cabinet Youssoufi a pris le taureau par les cornes. Une bonne partie du dispositif électoral pour les prochaines échéances a été présentée par le ministre de l'Intérieur Driss Jettou lors du dernier conseil de gouvernement. Réuni mercredi 6 février sous la présidence du premier ministre Abderrahmane Youssoufi, le conseil de gouvernement a abordé, à partir des projets de loi présentés par le ministre de l'Intérieur Driss Jettou, le dossier des prochaines élections. Un dossier très attendu par la classe politique nationale et les observateurs de la chose publique, notamment le volet concernant le mode de scrutin. À cet égard, le gouvernement a adopté le scrutin de liste à la proportionnelle avec maintien du nombre actuel des membres de la chambre (325 députés). Une réforme souhaitée et défendue ardemment par les partis de la majorité, notamment l'USFP, excepté le MNP de Mahjoubi Aherdan qui aurait aimé le maintien du scrutin uninominal à un seul tour. Une position partagée ouvertement par les partis de l'opposition. Désormais, c'est au Parlement, par voie de vote, de trancher cette question qui a longtemps divisé les différents partis. Le projet de modification du mode de scrutin est assorti d'un certain nombre de mesures destinées à réduire les risques potentiels inhérents au scrutin de liste à la proportionnelle. Il s'agit notamment de l'atomisation de la carte politique et l'émergence de majorités politiques sans cohérence. Pour éviter cela, Driss Jettou a proposé de limiter la participation à l'opération de répartition des sièges aux listes ayant recueilli un minimum de voix, qui reste à déterminer. Pour ce qui est du découpage électoral, point central dans le dispositif, il a été décidé qu'il relève des attributions du ministère de l'Intérieur aussi bien en ce qui concerne la création des circonscriptions que leur nombre. Il est clair qu'il s'agit-là d'un enjeu qui a tout son poids dans la balance électorale en ce sens où le découpage peut favoriser des partis au détriment des autres. Quant aux listes électorales datant depuis 1996, elles seront annulées et remplacées par de nouvelles listes. S'agissant des questions d'éligibilité, d'inéligibilité et d'incompatibilité, le projet de loi recommande l'exclusion, durant deux mandats au lieu de cinq ans actuellement, de tout candidat condamné pour délits d'utilisation illicite de l'argent et l'inclusion des chefs des services extérieurs des ministères dans les régions, les préfectures et les provinces, dans les catégories interdites de candidature dans les circonscriptions relevant de leur pouvoir ou dans lesquelles ils auraient exercé leurs fonctions moins de six mois avant la candidature. Le projet indique également que le mandat de député est incompatible avec plus d'un mandat, au lieu de deux actuellement, à la présidence d'une municipalité, d'une communauté urbaine ou d'une chambre professionnelle. Des changements ont été par ailleurs introduits dans les modalités de vote. À cet égard, le principe du bulletin unique a été retenu avec suppression des enveloppes. De même que les couleurs, exclues, ont été remplacées par les symboles. Cette approche participe du souci de faciliter la tâche à l'électeur et de mettre fin à la confusion inhérente à la multitude des couleurs. Dans le même ordre d'idées, les listes des partis en compétition seront dotées chacune d'un numéro. Revendication ancienne, l'encre indélébile sera utilisée afin de mettre fin au vote répétitif qui a caractérisé les précédentes élections. Il a été décidé que l'opération de vote débute à 8 heures du matin et se termine à 19 heures sans possibilité de prolongation si le gouverneur le décide. Pour la lutte contre l'usage de l'argent et l'achat des voix, le projet de loi prévoit des sanctions aggravées à l'encontre aussi bien des donateurs, des intermédiaires que des récipiendaires. Fixée actuellement de 6 mois à une année, la peine oscillera cette fois-ci de entre 1 et 5 années assortie d'une amende minimale de 50.000 Dh au lieu de 10.000 actuellement. Dans le même sens, le projet de loi prévoit des sanctions à l'égard des candidats qui utilisent les moyens de l'État dans leur campagne électorale. La peine passe ainsi de 1 à 2 mois. Cette batterie de mesures est de nature, pour peu qu'elles soient mises en œuvre, à contribuer à instaurer des règles de jeu claires et à instituer une compétition saine entre les différents candidats.