En nommant le nouveau Premier ministre, S.M. le Roi l'a chargé de constituer une majorité gouvernementale réunie autour d'un programme d'action qui réponde aux réelles attentes du peuple marocain telles que démocratiquement exprimées dans le contexte du scrutin du 27 septembre. Certes, la nouvelle a pris de court le microcosme politique. Mais c'est un nouveau Driss Jettou que S.M le Roi a nommé, mercredi 9 octobre, au poste de Premier ministre. Un Driss Jettou qui a gagné en épaisseur politique depuis qu'il a été appelé à prendre le portefeuille de l'Intérieur le 19 septembre 2001. On a vu alors ce technocrate se transformer de jour en jour jusqu'à atteindre une stature nouvelle qui n'a pas échappé aux observateurs à l'occasion de sa conférence de presse consacrée aux résultats du scrutin législatif du 27 septembre. La voix a pris de l'assurance, le ton est devenu plus solennel et la démarche plus soutenue. C'est un ami de la famille Royale et un homme de confiance du Roi qui prend donc les rênes de la primature que se sont disputée à mort l'USFP et l'Istiqlal. Ce dernier parti doit éprouver à présent un sentiment de soulagement matiné de regret. Ascension politique fulgurante que celle de ce berbère de la région d'Agadir, natif d'El Jadida en 1945. Driss Jettou n'aura pas volé sa consécration. Aucun politicien au Maroc ne soutiendra le contraire. L'intéressé, un homme d'affaires accompli, s'est hissé à la force du travail et de la détermination en dehors de tout engagement partisan. C'est peut-être ce qui l'a sauvé. Sincère, le nouveau Premier ministre n'est pas un assoiffé de pouvoir. Il ne l'a pas cherché. C'est le pouvoir qui est venu vers lui. Feu Hassan remarquera cet homme à la silhouette frêle, au sourire un brin timide dès la fin des années 80 et apprendra à apprécier en lui son bon sens et son goût du concret. Jettou n'est pas en effet le genre à se lancer dans des raisonnements théoriques stériles ou ésotériques. Jamais. Le personnage, un homme de consensus aussi, est réputé pour son approche réaliste des problèmes et des dossiers. Quand il se fixe un objectif ou ouvre un chantier, il se donne les moyens pour réussir dans sa mission. L'exemple du dernier processus électoral, dont il fut le superviseur, illustre parfaitement la méthode Jettou. Tel est celui qui fut le représentant des intérêts de la famille royale au sein de l'ONA avant de succéder à Ahmed Midaoui à la tête de l'Intérieur. Rares sont ceux qui savent que Driss Jettou était candidat malheureux aux législatives indirectes de 1993 par le biais de la Chambre de commerce et d'industrie de Casablanca dont il était membre. Bien lui en a pris finalement. S'il avait gagné son premier ticket au Parlement, il n'aurait peut-être jamais fait la carrière ministérielle qui, depuis, s'est ouverte à lui. En effet, il décrochera, en tant que technocrate, son premier poste ministériel (commerce et industrie) dans le gouvernement technocratique de Karim Lamrani. C'était le 11 novembre 1993. Il gardera le même portefeuille dans le nouveau cabinet formé par Abdellatif Filali le 7 juin 1994. Lors du remaniement ministériel du 17 juillet de la même année, il se verra adjoindre à son portefeuille initial l'Artisanat et le Commerce extérieur. Il sera nommé le 27 février 1995 à la tête de ce même ministère, amputé du dernier secteur, dans le même cabinet Filali. La consécration viendra le 13 août 1997 lorsqu'il sera appelé à cumuler en plus de son département traditionnel le portefeuille des Finances jusqu'au 14 mars 1998. Cette date marque le départ du gouvernement Filali et l'avènement du gouvernement d'alternance d'Abderrahmane Youssoufi. Voilà donc que Driss Jettou succède, 5 ans après, au chef du gouvernement socialiste. Tout un symbole. Un symbole qui en chasse un autre.