La croissance devrait se poursuivre à un rythme au dessus de la moyenne des 5 dernières années. ALM : Quel commentaire faites-vous de la situation économique du Maroc au 3ème trimestre de 2011 ? Ahmed Lahlimi : Ce trimestre est sans surprise par rapport à nos prévisions concernant 2011 et l'évolution des conjonctures trimestrielles. Une croissance économique remarquablement soutenue, aussi bien par le secteur agricole que par les activités non agricoles. Une croissance tirée, comme par le passé, par la demande intérieure : l'investissement et la consommation finale. En particulier celle des ménages confortée par la maîtrise des prix intérieurs grâce à une intervention massive des fonds budgétaires. Elle reste aussi pénalisée par une contribution négative de la demande extérieure, ce qui a accentué le besoin de financement de l'économie, passant de 6,1 % du PIB au 3ème trimestre de l'année 2010 à 9,8 % à la même période de 2011. Nous avons là l'une des problématiques de notre modèle de croissance sur laquelle nous n'avons cessé d'attirer l'attention et qui semble devoir perdurer tant que des réformes de structure n'auront pas modifié les termes de la compétitivité globale de notre économie et de notre modèle de consommation. Quelles seraient les perspectives au titre du quatrième trimestre ? Les perspectives au titre du trimestre prochain ne devraient pas non plus se départir de celles présentées par notre budget économique prévisionnel et nos enquêtes de conjoncture. La croissance devrait se poursuivre à un rythme au dessus de la moyenne des 5 dernières années, tirant profit de la bonne tenue des activités agricoles, de la poursuite de la dynamique du BTP et d'une façon générale, de l'amélioration des activités non agricoles et des services. Comment évaluez-vous le comportement du consommateur marocain ? Il est évident que la consommation des ménages s'accroît avec l'augmentation de leur revenu disponible. Elle obéit à l'aspiration normale des citoyens à améliorer leurs conditions de vie et profite et se nourrit des opportunités qu'offrent les sources institutionnelles et informelles de crédit, dans un contexte de soutien budgétaire au pouvoir d'achat des ménages et d'attrait d'une offre extérieure de plus en plus compétitive sur notre marché intérieur. Alors que le taux d'investissement augmente celui de l'épargne nationale baisse en raison du différentiel croissant entre les deux rythmes respectifs de croissance, celle de la consommation finale et celle du revenu national disponible dont une partie croissante sert à financer des importations qui atteignent aujourd'hui le double de nos exportations. On peut se demander si l'un des problèmes de fond qui se pose, à cet égard, dans tous les pays en développement n'est que le modèle de consommation dominant est sans rapport avec les capacités de l'économie à en assurer la soutenabilité. Les facteurs extérieurs impacteraient -ils les comptes nationaux en 2012 ? Le monde connaît, comme on le sait, une très grave crise. Elle affecte, en particulier, la zone euro qui constitue le premier partenaire de notre pays. Pour faire face au niveau d'endettement qui les menace d'insolvabilité, plusieurs pays, parmi les plus importants de ses membres, ont recours à des politiques d'austérité budgétaire et ont tendance à mener des politiques qui peuvent confiner, parfois, à des formes déguisées de protectionnisme. Avec l'évolution du régime économique qui régit nos échanges avec cette zone, nous ne sommes pas à l'abri d'en subir un effet de ciseaux préjudiciable à notre croissance et à nos équilibres financiers, celui d'une baisse de la demande adressée par cette zone à notre pays et de la hausse de la concurrence de son offre sur notre marché intérieur. Il n'en demeure pas moins cependant, que dans un contexte de relance de la croissance mondiale dont les prémices sont attendues à partir de 2012, le Maroc doit pouvoir assurer force et durabilité à sa croissance économique. Il doit, à cet effet, maintenir son effort d'investissement, assainir ses finances publiques et accroître l'attractivité de son économie, en mettant à profit les réformes institutionnelles entreprises et les acquis économiques réalisés. Il doit ainsi opérer des choix judicieux entre maximisation des valeurs ajoutées et consolidation de la cohésion sociale, entre satisfaction des revendications catégorielles urbaines et prise en compte des besoins d'un monde rural où sévit, le plus, la pauvreté et la vulnérabilité, entre secteurs traditionnels habitués aux activités spéculatives et à l'accumulation du patrimoine et secteurs d'avenir contribuant à l'industrialisation et à la sécurité énergétique et alimentaire de notre pays, entre satisfaction de la demande sociale des générations actuelles et sauvegarde des intérêts des générations futures. Les réformes de structure nécessaires à cet effet, mises en œuvre avec une visibilité de leur cohérence et une répartition sociale équitable de leur coût et de leurs fruits, devraient en permettre une appropriation consciente par la collectivité nationale et mobiliser, pour leur succès, l'ensemble des forces vives de la Nation.