Lors d'une conférence de presse tenue lundi 24 février, Habboub Cherkaoui, directeur du Bureau central d'investigations judiciaires (BCIJ), a dévoilé les détails de l'opération ayant permis de neutraliser une cellule terroriste affiliée à l'organisation Etat islamique (EI) dans la région du Sahel. Ce réseau, baptisé par ses membres «Les Lions du Califat au Maroc», projetait des attaques d'envergure sur le territoire national. Une traque de près d'un an Les investigations menées par les services de sécurité, qui ont duré «près d'une année», ont abouti à l'interpellation de douze individus, arrêtés simultanément dans plusieurs villes du royaume, dont Laâyoune, Casablanca, Fès, Taounate, Tanger, Azemmour, Guercif, Oulad Teïma et Tamesna. Selon M. Cherkaoui, les suspects avaient récemment procédé à «des repérages ciblés afin de déterminer les sites d'attaques potentielles dans plusieurs villes marocaines». Parmi les éléments saisis lors des perquisitions figurent «un arsenal composé d'explosifs, d'armes blanches et d'équipements destinés à la fabrication de bombes», ainsi que «des coordonnées GPS révélant l'existence d'une cache d'armes et de munitions» dissimulée dans la province d'Errachidia, «précisément sur la rive est de l'oued Guir, à Tel Mzil, commune et caïdat d'Oued N'aâm, près de Boudnib». Un arsenal de guerre enfoui dans le désert Le BCIJ, appuyé par des équipes spécialisées en explosifs, des détecteurs de métaux, des scanners à rayons X et des unités cynophiles, a déployé un important dispositif de sécurité pour fouiller le site. «Après plus de trois heures de ratissage, nous avons découvert un stock d'armes soigneusement enterré au pied d'un escarpement rocheux difficile d'accès», a détaillé M. Cherkaoui. Les armes saisies comprennent «deux fusils d'assaut Kalachnikov avec chargeurs, deux fusils de chasse, dix pistolets semi-automatiques de différents calibres et une quantité importante de munitions», enveloppées dans «des sacs plastiques et des journaux en provenance du Mali, dont des hebdomadaires datés des 15 et 27 janvier 2025». L'expertise balistique réalisée par l'Institut des sciences forensiques de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a confirmé que ces armes étaient «en parfait état de fonctionnement et avaient été volontairement dépourvues de leurs numéros de série afin de dissimuler leur provenance». Certains canons avaient été sciés pour en faciliter le transport et la dissimulation. Un projet d'implantation du groupe Etat islamique au Maroc Selon les premiers éléments de l'enquête, cette cellule terroriste était dirigée à distance par «Abderrahman Al-Sahraoui, un cadre influent du groupe Etat islamique dans le Sahel, de nationalité libyenne», en lien avec «des réseaux de contrebande dans la région». Il aurait fourni «l'arsenal découvert en Errachidia», destiné à l'exécution d'opérations terroristes sur le sol marocain. M. Cherkaoui a précisé que ce projet «dépassait le cadre d'attentats isolés», constituant «une tentative stratégique du groupe Etat islamique-Sahel d'établir une cellule permanente au Maroc», en reproduisant les modes opératoires de l'organisation dans la région. «Cette cellule n'avait pas seulement pour but de frapper, mais d'ancrer la présence du groupe Etat islamique sur notre territoire, à travers une structure autonome de commandement et de coordination», a-t-il souligné. Une menace persistante en provenance du Sahel Ce démantèlement intervient quelques semaines après la neutralisation d'une autre cellule radicale à Had Soualem, près de Casablanca, constituée de trois frères ayant prêté allégeance à l'organisation terroriste. «Toutes ces affaires confirment que le Maroc demeure une cible privilégiée des groupes djihadistes opérant dans le Sahel, en raison de son engagement dans la lutte antiterroriste», a affirmé le chef du BCIJ. Les liens entre les réseaux djihadistes et les groupes criminels dans la région sahélienne ne sont plus à démontrer. «Nos services de renseignement ont toujours alerté sur la connexion entre les groupes terroristes, les milices séparatistes et les réseaux de crime organisé», a rappelé M. Cherkaoui, évoquant les «plus de 40 cellules affiliées à ces mouvances» démantelées par le Maroc ces dernières années. Parmi les précédents marquants, l'affaire de «la cellule d'Amgala en 2011, en lien avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), dont les membres avaient également dissimulé un arsenal en plein désert», ou encore «la cellule dirigée par Ibrahim en 2005 à Tanger, qui entretenait des connexions avec la branche sahélienne du djihadisme et planifiait des attentats de grande ampleur». Des cellules locales enrôlées dans une stratégie régionale Si la présence d'opérateurs étrangers dans l'armement et le financement des cellules demeure une constante, les enquêteurs soulignent que «la majorité des recrues arrêtées sont des nationaux radicalisés et enrôlés à distance». Les profils des douze suspects arrêtés dans cette opération révèlent «un niveau d'éducation limité», avec «huit d'entre eux n'ayant pas dépassé le secondaire, trois ayant arrêté leur scolarité au niveau fondamental, et un seul ayant fréquenté l'université sans achever sa première année». Leur situation sociale est également marquée par la précarité, «la plupart exerçant des métiers informels ou intermittents», tandis que «seuls deux d'entre eux sont mariés et pères de famille». Les enquêtes en cours visent désormais à «déterminer d'éventuelles connexions transfrontalières et d'autres ramifications de cette cellule», alors que la menace d'une «internationalisation des opérations du groupe Etat islamique-Sahel» se précise, en particulier avec «la présence croissante de combattants étrangers dans ses rangs». Une vigilance constante des autorités En conclusion, M. Cherkaoui a réaffirmé «la vigilance constante des services de sécurité marocains face aux menaces terroristes», rappelant que «le royaume reste déterminé à déjouer toute tentative de déstabilisation, en s'appuyant sur une coopération internationale renforcée». Avant de céder la parole à M. Abdelrahman El Youssoufi Alaoui, chef du département technique et de la gestion des risques au BCIJ, pour détailler l'expertise menée sur les armes et explosifs saisis, il a conclu son allocution par un verset du Coran : «Et lorsque Abraham dit : Seigneur, fais de cette contrée un lieu sûr et pourvois de fruits ses habitants».