Vingt peintres marocains, parmi les plus connus, exposent des estampes jusqu'au 14 février à la galerie Mohamed El Fassi à Rabat. Intitulée “Traits“, cette manifestation est le fruit d'une expérience qui a duré six mois dans un atelier de gravures. Elle laisse une impression de profond abattement. C'est bien connu : la plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu'elle a. Voici une expo qui rassemble tous les beaux noms ou presque de la peinture marocaine. Des noms qui sont cités depuis des années. Qui sont invités à toutes les manifestations internationales... Qu'ont-ils donné ces beaux noms à l'exposition de gravures ? Ce qu'ils ont. Et que possèdent-ils ? Des attraits avachis, fatigués, harassés, de petits trucs sans nerf, ni surprises Des choses qui volent très bas. Ces grands peintres ne sont pas à la hauteur de leur renommée. Ils donnent une piètre idée au visiteur qui découvre pour la première fois autant d'œuvres appartenant à un si prestigieux rassemblement. Il faut préciser qu'il ne s'agit pas d'une expo de peinture, mais d'estampes. Tout le monde sait que l'art du multiple nécessite un traitement auquel ne sont pas forcément habitués les peintres. Réaliser une lithographie ou une gravure douce est autre chose que le face à face du peintre avec une toile. Mais tout de même! Il reste bien dans une gravure un peu du grand art de l'artiste. Tandis que dans l'expo de Rabat, il ne reste que l'accablante impression d'une triste réalité picturale. A l'exception de quatre ou cinq artistes, dont Mohamed Bennani qui a réalisé une magnifique gravure, les autres feront grimacer le spectateur. On ose à peine imaginer l'idée noire que se fera un amateur étranger sur les arts plastiques au Maroc, après la visite de cette expo. L'abattement du visiteur marocain est si total qu'il ne peut s'empêcher de penser que les chantres de la peinture marocaine sont peut-être égaux à ce qu'ils donnent à voir dans cette manifestation. Et s'ils ne valaient que cela ? Le maquillage de la plus belle femme aurait donc dupé tout le monde. Le fard est tape-à-l'œil. Ce qu'il y a dessous est laid. Et puis, pris de peur, il leur cherche des circonstances atténuantes. Ils n'ont pas pris au sérieux cet exercice. Ils n'ont pas mis du cœur à l'ouvrage. Pourtant, ils ont travaillé dans l'atelier d'une artiste technicienne, passionnée par son métier. Asma Bennani peut leur garantir un excellent résultat sur papier. Mais ce n'est pas elle qui incise les motifs qui sont ensuite imprimés sur du papier. L'exposition résulte d'une commande louable du ministère de la Culture. Vingt peintres ont passé, selon la technique interrogée, entre 4 et 10 jours dans l'atelier d'Asma Bennani. L'expérience a duré du mois de mai jusqu'au mois de décembre 2003. Du temps, ils en avaient. Que s'est-il passé alors ? Difficile de le savoir. Toujours est-il que même si des lithos sont réalisées pour la première fois au Maroc, elles ne poussent pas à l'indulgence. Asma Bennani défend cette manifestation, estimant qu'il existe 50% d'œuvres valables. Elle ajoute que nombre des peintres interrogeaient pour la première fois les techniques de la gravure. Par conséquent, il ne faut pas leur intenter un procès de mauvais goût au premier essai. Il faut les attendre lors des prochaines expositions, avant d'émettre un jugement définitif sur leur art. Ceux qui ont les vertus de la patience et de l'indulgence attendront que les attraits de cette vieille bonne femme mûrissent le temps qu'il faudra. Les moins complaisants, les pressés de goûter à l'art, diront qu'il s'agit d'une vieille femme qui n'est même pas bonne.