Vingt peintres marocains exposent des estampes jusqu'au 14 février à la galerie Mohamed El Fassi à Rabat. Intitulée “Traits“, cette manifestation est le fruit d'une expérience qui a duré six mois dans un atelier de gravures. Celle qui l'anime, retrace la genèse de cette expérience, la première du genre au Maroc. L'expérience va faire des mécontents. Tous ceux qui n'y sont pas vont protester. Ceux qui y sont vont évidemment chercher à s'en enorgueillir. Au milieu des mécontents et des satisfaits, une jeune femme. Elle s'appelle Asma Bennani, et elle s'occupe d'un atelier d'estampes à Rabat. Le seul atelier au Maroc où les artistes peuvent exploiter trois formes, la gravure, la lithographie et la sérigraphie, sous l'œil vigilant d'une diplômée de l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts de Paris. “Pour lancer mon atelier, le ministère la Culture m'a demandé de réaliser des estampes de peintres marocains“, dit-elle. L'expérience a duré du mois de mai jusqu'au mois de décembre 2003. Vingt artistes, sélectionnés par le ministère de la Culture, se sont rendus à tour de rôle dans son atelier. Ils y ont passé, selon la technique interrogée, de 4 à 10 jours. Dix peintres sur vingt ont opté pour le procédé de multiplication des œuvres le plus compliqué : la lithographie. C'est une technique d'impression permettant la production en plusieurs exemplaires d'un tracé exécuté à l'encre ou au crayon sur un bloc de pierre. Les dix en question sont Fouad Bellamine, Bouchaïb Habouli, Saâd Hassani, Miloud Labied, Abdelkbir Rabi, Mohamed Chabaâ, Mohamed Melehi, Bouchta El Hayani, Abderrahman Meliani et Ahmed Jaride. Cinq autres artistes ont préféré la gravure douce : l'empreinte que laisse sur une feuille de papier une plaque de métal creusée et encrée. Il s'agit de Farid Belkahia, Mohamed Bennani, Tibari Kantour, Mohamed Nabili et Karim Bennani. Les derniers cinq élus se sont confrontés à la sérigraphie. Contrairement à la gravure et à la lithographie, la sérigraphie ne résulte pas d'un travail manuel. C'est un procédé photochimique. À la suite du travail des artistes, quatre porte-folio, comprenant respectivement cinq peintres, ont été réalisés. Deux porte-folio sont dédiés à la lithographie ; les autres à la gravure et la sérigraphie. Chaque coffret a été tiré à 70 exemplaires, et mis en vente au prix de 7000 DH. Les artistes ne vont pas recevoir de droits d'auteur, puisqu'ils ont été “payés“ par des tirages hors album. Chacun d'eux a quitté en effet l'atelier avec 70 estampes sous les bras. Au total, 140 exemplaires sont donc sortis, à chaque fois, de la presse d'Asma Bennani. Celle-ci insiste sur le fait qu'elle a réalisé également l'édition et veillé sur le choix des coffrets. “J'ai livré la marchandise de A jusqu'à Z“, dit-elle. Elle tient également à se mettre sur le même piédestal que les artistes qu'elle a servis. “Je ne suis pas un technicien, mais un artiste technicien. Les peintres avaient besoin d'un guide pour interroger la gravure. Il fallait comprendre l'esprit de leur démarche pour permettre à leur travail de prendre la forme d'une estampe sans être dénaturé“. L'expérience de l'atelier d'Asma Bennani est intéressante et engage les artistes dans des formes d'expression qui élargissent les horizons de leurs œuvres. Maintenant, il reste à les voir pour juger de leur qualité.