L'élargissement des circonscriptions dans le cadre de la mise en place d'un nouveau découpage électoral permettra de redonner un sens au scrutin de liste et lutter contre l'usage de l'argent sale. Les partis politiques attendent impatiemment l'annonce du nouveau découpage électoral. Leurs préparatifs pour les prochaines élections législatives en dépendent dans une large mesure. En fait, l'annonce de la nouvelle configuration des circonscriptions électorales leur permettra d'entamer l'opération de sélection des candidats et d'apporter une réponse complète à la grande question: Qui se présentera où? A signaler que le nouveau découpage devra être annoncé par décret ministériel juste après l'adoption du projet de loi organique sur la Chambre des représentants qui fixe déjà, dans son article 2, les critères généraux à respecter dans le cadre du nouveau découpage. En attendant, c'est au niveau du Parlement que la question du découpage suscite la polémique. Dans le cadre de la réunion de la commission de l'Intérieur, de la décentralisation et des infrastructures à la Chambre des représentants, tenue mardi 20 septembre, certains parlementaires sont montés au créneau pour dénoncer ce qu'ils qualifient de «caractère ambigu» de l'article 2 du projet de loi sur la première Chambre et ont demandé de fixer des critères clairs afin de garantir un bon découpage électoral. D'autres ont, par contre, appuyé les critères proposés par la nouvelle loi et appelé à établir le nouveau découpage en leur fonction. A noter que l'article 2 de la loi sur la Chambre des représentants précise les principes de découpage électoral et tient en compte l'importance d'assurer un équilibre démographique entre les circonscriptions électorales. Il stipule, aussi, la création d'une seule circonscription électorale dans chaque préfecture ou province ou préfecture d'arrondissements avec la possibilité de créer plus d'une circonscription électorale dans certaines préfectures ou provinces. Toutefois, malgré la divergence des points de vue au sujet de certains éléments techniques concernant le découpage, les divers groupes parlementaires s'accordent pour revendiquer l'élargissement des circonscriptions. Selon eux, des circonscriptions assez larges permettraient de lutter de manière efficace contre l'usage de l'argent sale et de donner plus de crédibilité à la compétition électorale. «Nous revendiquons la création des circonscriptions pour chaque province. Nous proposons même dans certains cas de mettre deux arrondissements dans le cadre d'une circonscription. Notre objectif est de lutter efficacement contre les fraudeurs des élections», précise Mustapha El Ghazoui, chef du groupe parlementaire de l'Alliance des forces progressistes et démocratiques. «Plus les circonscriptions sont larges, plus on sera en mesure de barrer la route aux escobars. Par exemple, un fraudeur des élections ne pourra pas acheter toute la ville de Casablanca. Mais, s'il se trouve dans une petite circonscription, il pourra bien recourir à l'usage de l'argent sale», souligne Lahcen Daoudi, chef du groupe parlementaire du PJD à la Chambre des représentants. Et d'ajouter que «au cas où cette proposition ne sera pas prise en considération, nous voterons contre ce projet de loi». Même son de cloche auprès de Mohamed Moubdie, chef du groupe parlementaire de la mouvance. «Dans le cadre des propositions communes des quatre partis alliés, nous demandons l'élargissement des circonscriptions. Cela est de nature à permettre de lutter contre l'utilisation de l'argent pour corrompre l'électorat. Mais, bien évidemment, il faudra prévoir aussi d'autres mécanismes pour mettre fin à ce fléau», indique M. Moubdie. Ceci dit, selon les observateurs de la scène politique nationale, l'élargissement des circonscriptions est de nature également à redonner un sens au mode de scrutin de liste. Etant donné que, dans le cadre des petites circonscriptions de deux ou trois sièges, les électeurs votent plus pour les personnes que pour les programmes des différents partis. «Il y a une interférence entre le mode de scrutin et le découpage électoral. Plus la circonscription est petite, plus on aura l'impression qu'on est dans le cadre d'un mode de scrutin de liste uninominal qui n'est plus en vigueur au Maroc. Le mode de scrutin de liste à la proportionnelle actuellement en vigueur favorise, quant à lui, la compétition sur la base des programmes», explique le politologue Mohamed Darif, dans une déclaration à ALM. Darif affirme, lui-aussi, que l'élargissement des circonscriptions permettra de lutter contre la corruption. «Au niveau des petites circonscriptions, le candidat tête de liste pourrait facilement recourir à l'argent pour obtenir un siège. Ainsi, si on élargit les circonscriptions, c'est essentiellement pour barrer la route aux fraudeurs», ajoute le politologue. «Au départ, des partis politiques avaient même proposé de mettre en place une seule liste nationale. C'est-à-dire, chaque parti devrait proposer une liste de 395 candidats. Sauf que cette proposition s'est avérée difficile à mettre en place», note-t-il. La Chambre des représentants devra soumettre au vote le projet de loi organique sur la première Chambre mercredi 28 septembre. Etant une loi organique, ce projet de loi devra être validé également par le Conseil constitutionnel avant d'entrer en vigueur. Respecter le découpage administratif ou assurer un équilibre démographique ? Pour le nouveau découpage, l'article 2 du projet de loi organique sur la Chambre des représentants tient compte de l'importance d'assurer un équilibre démographique entre les circonscriptions électorales. D'ailleurs, les députés réclament de respecter cet équilibre dans le cadre de la mise en place d'une nouvelle configuration des circonscriptions. Mais, est-il possible de remettre en cause l'actuel découpage administratif pour atteindre cet objectif ? «Pour le ministère de l'intérieur, le découpage administratif doit être respecté en priorité dans le cadre du nouveau découpage. Certes, parmi les critères contenus dans l'article 2 de la loi, figure le respect de l'équilibre démographique. Mais, il est pratiquement impossible de le respecter à 100% car il pourrait remettre en cause le premier critère», explique le politologue Mohamed Darif. «En fait, pour tenir compte de l'équilibre démographique, on devra attribuer à la ville de Casablanca le un cinquième des sièges, chose qui n'est pas raisonnable», note-t-il. Et d'ajouter : «Mais, cela n'empêche pas de tenter de remédier au déséquilibre flagrant entre les différentes circonscriptions. A noter que dans le cadre des élections de 2007, il y a eu des circonscriptions de trois sièges pour un million d'habitants et le même nombre de sièges pour des circonscriptions de 100.000 habitants».