Le parti islamiste de Saâd Eddine El Othmani rejette le nouveau découpage électoral. Celui-ci apporte trois grandes nouveautés : nouvelles circonscriptions, division de certaines circonscriptions en deux et réduction du nombre de sièges dans d'autres. Le PJD est en colère. Après avoir examiné en profondeur le nouveau découpage électoral, élaboré par les experts du ministère de l'Intérieur et remis à l'ensemble des partis politiques pour information, la formation de Saâd Eddine El Othmani a organisé une conférence de presse, le samedi 10 février, au siège du parti à Rabat. Le thème de cette rencontre était on ne peut plus clair : «la position du PJD à l'égard de la gestion officielle des élections législatives de 2007». D'emblée, cet intitulé laissait présager que le plus grand parti d'opposition au Maroc était mécontent du gouvernement et du ministère de l'Intérieur. Et pour cause, ce dernier a introduit un certain nombre de changements au découpage électoral appliqué en 2002. Ces transformations, non motivées de manière officielle par le gouvernement, ont consisté en trois points. Tout d'abord, il y a la création de nouvelles circonscriptions qui n'existaient pas en 2002. C'est le cas de la circonscription de Nouaceur à Casablanca et à qui le ministère de l'Intérieur réserve 3 sièges. Deuxième nouveauté : division de circonscriptions en deux. C'est le cas, notamment, à Tanger où la grande circonscription de Beni Makada a finalement disparu du nouveau découpage électoral, pour rejoindre la circonscription de Tanger-Asilah. Troisième et dernier type de modifications, qui irritent les responsables du PJD, la réduction du nombre de sièges dans certaines circonscriptions. Pour ce cas, les exemples sont multiples. On citera notamment la ville de Casablanca, où le nombre de sièges a été sensiblement diminué. Alors que, quasiment, toutes les circonscriptions casablancaises comptaient 5 sièges chacune, elles ne disposent aujourd'hui que de 2 ou 3 sièges. Résultats des courses, le PJD se sent directement visé par ce nouveau découpage. «Celui-ci est noyé de circonscriptions de 2 et 3 sièges, essentiellement dans les grandes villes, où la densité de la population est élevée», a assuré Saâd Eddine El Othmani lors de la conférence de presse. En fait, les grandes villes où le PJD obtient les meilleurs scores. Les consultations de 2002 l'ont prouvé. En outre, le PJD considère que le gouvernement a tout fait, non seulement pour vider le mode de scrutin de liste de sa raison d'être, mais également et surtout pour favoriser, par ricochet, le mode de scrutin uninominal. Pour les amis de Saâd Eddine El Othmani, le découpage électoral préparé par l'équipe du ministre de l'Intérieur, Chakib Benmoussa, a conduit à un éparpillement des grandes villes, au lieu de leur union. «Ceci marque un frein au système de concurrence entre les candidats, met fin à la pluralité de la représentation et facilite l'usage de l'argent et l'intervention de l'administration dans l'opération de vote», tonne un communiqué du PJD. La formation islamiste, dont certains prédisent un véritable raz-de-marée pour les prochaines élections, estime que ce nouveau découpage électoral est un véritable «retour en arrière» en comparaison avec celui de 2002. Le déséquilibre entre le nombre de sièges et celui des électeurs n'est pas une erreur ou un hasard. «Il n'y a aucun doute, que la volonté du gouvernement, d'aller dans ce sens, est avérée», poursuit le communiqué. Celui-ci donne quelques exemples des anomalies contenues dans ce découpage : Un député pour 65 000 électeurs dans certaines circonscriptions, contre 1 député pour 20 000 électeurs dans d'autres. Pour revenir à Tanger, la circonscription Beni Mekada, qui compte une population de 250 000 personnes, a été engloutie dans la circonscription de Tanger-Asilah, pour atteindre une population de plus de 760 000 personnes, selon le recensement de 2004. Le découpage électoral lui a réservé 4 sièges seulement, ce qui donne pour chaque député de cette circonscription une représentation de 190 000 habitants. En revanche, le ministère de l'Intérieur a réservé à la circonscription de Fahs Anjra (également à Tanger) deux sièges, alors qu'elle ne compte que 98 000 habitants, soit un taux d'un député pour 50 000 habitants seulement. Les écarts sont donc énormes. Et c'est justement ce que déplore le PJD. Normalement, les élections doivent respecter la règle de 1 député pour 100 000 habitants, avec une marge d'erreur de plus ou moins 20%. Mais dans la pratique ces écarts peuvent atteindre des chiffres inimaginables. Pour toutes ces raisons, le PJD affirme que le découpage, qui n'est pas basé sur des critères démocratiques et objectifs, vise le retour au mode de scrutin uninominal. Nostalgie oblige. Mais ce que le PJD tient à rappeler c'est que ce mode a été à l'origine de la prolifération de la corruption et de la falsification des élections législatives dans notre pays. A cet effet, les Islamistes appellent le gouvernement à assumer ses responsabilités en cas d'application de ce nouveau découpage et revendiquent même son adoption par une loi discutable au Parlement et non plus par voie de décret. A noter que le découpage électoral est à double tranchant. C'est un outil de mise en œuvre de l'esprit du mode de scrutin de liste, mais également un moyen de paralyser ses effets pour les rendre quasiment nulles. Théoriquement, il doit respecter des principes sacro-saints tels que la justice, l'équité, la démocratie, l'Etat de droit et l'égalité des chances entre les candidats.