Pour M. Darif, des événements comme Mawazine présentent le pays comme un espace de paix où toutes les cultures pourraient cohabiter. ALM : Que représente l'organisation du « concert de la paix » à Marrakech ? Mohamed Darif : L'organisation de ce concert contre le terrorisme à Marrakech a, entre autre, pour but de clarifier la nature de la société marocaine, de faire comprendre au monde la personnalité de base du Marocain formée à travers des siècles. Ainsi la société marocaine se caractérise par deux valeurs. Il est question en premier de la diversité. Celle-ci est culturelle, ethnique et linguistique. Mais aussi religieuse parce qu'en dehors de la cohabitation avec les chrétiens et les juifs. Il y a une diversité au sein même de l'Islam et ses différentes pratiques, entre autre celle de l'orthodoxie des ouléma, ou celle du soufisme et des confréries et zaouia reflétant l'Islam populaire. Il y a aussi la diversité politique. Le Maroc est l'un des rares pays du tiers-monde à avoir consacré le multipartisme juridiquement depuis 1958 et après dans toutes les Constitutions. En plus de la diversité, il y a la tolérance. L'idéologie qui prône la violence a toujours été marginalisée et presque absente au Maroc. Il y a une véritable culture de la tolérance dans la société. Même dans le maintien de l'ordre, il n'y a pas que le système sécuritaire puisqu'il y a aussi les Marocains. Une bonne partie de la sécurité a été assumée par eux-mêmes. Comment expliquez-vous l'affluence massive du public pour ce genre de manifestation ? Après les actes terroristes du 16 mai 2003, tous les Marocains ont témoigné que cette idéologie de la violence est importée de l'extérieur. Ainsi quand on prend en compte la tolérance et la diversité comme deux caractéristiques de la socité marocaine, on comprend pourquoi la population n'hésite pas à dénoncer le terrorisme et cette idéologie qui confisque le droit des gens à la vie. C'est la même chose qui s'est produite lors du «concert de la paix» avec la présence massive des Marocains. C'est une bonne réponse aux attentats. Surtout que Marrakech est la ville qui a été la plus touchée. Ainsi il s'agit par ce biais de véhiculer un message bien clair : «Les Marocains sont tous contre ceux qui cherchent à déstabiliser le pays». C'est un acte symbolique pour montrer la nature profonde du Marocain. Quelle est votre réaction par rapport aux appels à boycotter le festival? Des événements de l'envergure de Mawazine ou le concert de Marrakech constituent également une occasion de confirmer la spécificité du Maroc. Un pays musulman, en même temps engagé dans la voie de la modernité et contre les gens radicaux qui cherchent à ternir l'image de l'Islam le présentant comme une religion hostile à l'art et à la culture. Ces événements sont des acquis pour les Marocains. Ils présentent le pays comme un espace de paix où toutes les cultures pourraient cohabiter, ceci bien sûr en laissant le choix à la population qu'aucune partie ou autre ne peut leur confisquer. Il y a des parties contre Mawazine pour toute sorte de raison, économique, politique et même sécuritaire avançant la menace terroriste. Ils avancent comme argument le chômage et autre et proposent que le budget de Mawazine soit utilisé pour renforcer l'infrastructure. Mais ce n'est pas ce budget qui va régler tous les problème socio-économiques. Le festival Mawazine a également une rentabilité, politique , culturelle et touristique.