Mohamed Tajeddine Husseini revient, dans cet entretien, sur les incidents de Laâyoune notamment les actes de vandalisme commis par des repris de justice. Il estime qu'il est temps pour le Maroc de revoir beaucoup de choses au niveau des provinces du Sud. ALM: Le dernier bilan fait état de dix morts parmi les forces de l'ordre. Quel commentaire faites-vous des incidents de Laâyoune ? Mohamed Tajeddine Husseini: Le fait qu'on ait enregistré plusieurs cas de décès uniquement parmi les éléments des forces de l'ordre est révélateur à bien des égards. Ceci prouve que les forces de l'ordre n'avaient nullement l'intention de pratiquer la violence au camp Gdim Izik. Leur seul objectif était de libérer des personnes âgées, des enfants et des femmes qui ont été pris en otage par une poignée de fauteurs de troubles à la solde des adversaires de l'intégrité territoriale du Maroc. Les choses sont très claires. Aujourd'hui, les médias algériens et ceux du Polisario prétendent, dans le seul but de nuire à l'image du Maroc, que le Maroc a pris d'assaut le camp avec l'usage de la violence. Ce qui s'est passé lundi matin prouve le contraire. En fait, si les forces de l'ordre avaient exercé la violence, les victimes auraient été plus nombreuses parmi les habitants du camp et beaucoup moins parmi les forces de l'ordre. Alors qu'en réalité aucun décès n'a été enregistré parmi les civils lors de cette intervention.
Comment analysez-vous ce qui s'est passé à Laâyoune depuis le début du mouvement revendicatif jusqu'à son dénouement? Pour analyser cette question d'une manière objective, je dis que des fautes ont été commises par les autorités locales de la ville. Et ce sont ces fautes qui ont été exploitées à fond par les adversaires. Plusieurs personnes habitant à Laâyoune sont en état de nécessité. Elles ne disposaient ni d'emploi, ni d'habitat, ni de cartes de l'Entraide nationale ni d'un lot de terrain. Par contre, plusieurs personnes ayant rallié le Maroc récemment ont bénéficié de plusieurs avantages au détriment des habitants de la ville. Il y a eu donc un paradoxe entre la situation de la première et la deuxième catégorie. A cela s'ajoute les conséquences néfastes de l'économie de rente. Tout cela a créé un climat propice au déclenchement du mouvement revendicatif.
Certaines personnes ont essayé de donner à ce mouvement revendicatif à vocation purement socio-économique un caractère politique. Qu'en dites-vous? Dans le cadre du mouvement de protestation à Gdim Izik près de Laâyoune, il y avait en réalité une minorité agissante et active qui dirigeait le camp. Cette bande prenait des initiatives au nom des habitants. D'ailleurs, lorsque les autorités négociaient avec le comité d'organisation et ont décidé de recenser les habitants du camp pour satisfaire leurs revendications socio-économiques, les citoyens ont été interdits par cette bande de quitter le camp. Cette bande tenaient fermement à donner à ce rassemblement une connotation politique liée à la thèse séparatiste. Cette situation qui porte atteinte à la souveraineté de l'Etat était inacceptable. Les autorités devaient absolument réagir. Aucun Etat, qui se dit démocratique et qui se respecte, ne peut tolérer le fait qu'il y ait un Etat en son sein et que le destin d'un certain nombre de ses citoyens soit entre les mains d'une bande criminelle en toute impunité. Et ce sont les membres de cette bande qui se sont dirigés vers Laâyoune après avoir été chassés du camp pour se livrer à des actes de vandalisme mettant en péril la sécurité des citoyens dans cette ville.
Que dites-vous à propos de l'implication des services de renseignements algériens dans ces incidents ? Sincèrement, je n'ai pas assez d'éléments qui prouvent que l'Etat algérien était impliqué directement dans ces incidents. Mais ma propre conviction dit que dans tous les agissements haineux du Polisario se trouve la main d'Alger. Que ce soit à Tindouf, aux provinces du Sud ou à l'étranger. C'est l'Algérie qui a accueilli le front séparatiste sur sont territoire. C'est l'Algérie qui interdit au HCR de recenser les populations séquestrées à Tindouf. C'est l'Algérie qui interdit à ces populations la libre circulation. C'est aussi l'Algérie qui dirige les campagnes de propagande du Polisario à l'intérieur comme à l'étranger et multiplie les actions auprès des Etats pour la reconnaissance de la pseudo Rasd Bref, l'Algérie et le Polisario constituent les deux faces de la même monnaie.
Les incidents de Laâyoune vont-ils avoir un impact sur l'avenir des négociations sur le Sahara? Bien évidemment, ces incidents vont avoir un impact. Mais, il faut préciser, par ailleurs, que bien avant ces incidents et depuis toujours, l'Algérie et le Polisario mettent les bâtons dans les roues pour bloquer tout avancement vers une solution au conflit s'attachant fermement à l'option révolue de l'indépendance. Le Maroc, pour sa part, a fait un pas de géant et a mis sur la table le projet d'autonomie. Une solution intermédiaire entre l'option de l'indépendance revendiquée par le Polisario et la récupération pur et simple par le Maroc de son Sahara. Il s'agit d'une solution «win win».
Que faire pour éviter que ce genre d'événements ne se reproduise pas ? En fait, il est temps pour le Maroc de revoir beaucoup de choses au niveau des provinces du Sud. Sur le plan interne, le discours royal, à l'occasion du 35ème anniversaire de la Marche Verte, trace une véritable feuille de route dans ce sens. La restructuration du Corcas et la révision du statut de l'Agence du développement des provinces du Sud constituent des étapes historiques à même d'assurer une meilleure vision pour le développement souhaité et qui permettra de dépasser les conséquences néfastes de l'économie de rente. Il faut aussi mettre en place un plan intégré visant l'intégration des ralliés. Il est question dans ce cadre d'instaurer des centres d'accueil à qui on confiera la mission de gérer les ralliés, connaître leurs besoins et entreprendre les démarches nécessaires pour les intégrer dans la vie professionnelle et sociale, tout en donnant toujours la priorité aux habitants des provinces du Sud. Sur le plan externe, notre diplomatie doit être offensive et surtout qu'elle évite la politique de la chaise vide. Elle doit être omniprésente pour défendre avec force la marocanité du Sahara. Il faudra également mettre l'accent sur le rôle de la diplomatie parallèle.